Haro sur le fusible

Michel Bon pourrait donc quitter la présidence de l'opérateur public qu'il occupe depuis sept ans. Pour autant, par-delà une lecture cynique des rapports entre l'Etat et ses serviteurs, Michel Bon est-il le seul responsable de la déroute de France Telecom (FT) ? Si l'on s'en tient aux chiffres, on peut estimer que pour gagner ses galons de grand d'Europe, il a conduit FT à participer à la surenchère spéculative qui s'est brutalement achevée dans les télécoms à la fin 2000. L'opérateur est dans le même temps devenu une "machine à cash" avec des profits opérationnels de plus de quatre milliards d'euros en 2001 et dont la rentabilité devrait encore croître cette année. Mais à quel prix ! De ce point de vue, oui, Michel Bon est responsable de la stratégie suivie - et il ne l'a jamais nié. Rien d'illogique, donc, à voir juger sévèrement une approche ayant gonflé le moteur de l'opérateur tricolore pour qu'il aille plus vite, au risque de manquer aujourd'hui de carburant pour le faire avancer.En revanche, il est bon de rappeler que Michel Bon, à sa nomination, avait devant lui une tâche fixée par le pouvoir politique, liée à l'ouverture à la concurrence du marché européen des télécoms décidée au milieu des années 90. Menacé sur son pré-carré domestique - la téléphonie fixe en France -, le monopole devait se transformer, accepter la concurrence sur son sol, diversifier ses sources de revenus, forcément en concurrençant à son tour les monopoles dans d'autres pays.Sur cette base, il a donc défini une stratégie de développement à l'international, dans le mobile, l'Internet, les communications d'entreprises, par le biais de rachats, souvent coûteux, pour gagner des parts de marché. Or, chaque étape de cette conquête a été validée par l'Etat-actionnaire. Nommé par la droite, Michel Bon à France Télécom était devenu pour le gouvernement Jospin le symbole de l'industrie française, moderne et performante. Malgré cet endettement qui ne cessait d'enfler.Comme d'autres auraient sans doute fait à sa place, Michel Bon a lutté en utilisant les mêmes armes que ses concurrents et ce n'est pas un hasard si le britannique BT, le néerlandais KPN, le finlandais Sonera ou l'espagnol Telefonica ont connu des difficultés similaires à celles de FT.La sagesse devrait donc conduire chacun à s'interroger. Non pas sur le sort de Michel Bon dont l'équation personnelle relève, on l'a vu, d'une problématique très classique. Mais plutôt sur la pertinence même de la libéralisation du marché européen des télécoms entreprise ces dernières années dont aucun acteur d'origine ne sort indemne. Ni les baisses de prix pour les consommateurs, ni les synergies internationales pour les opérateurs n'ont été finalement au rendez-vous. Et les actionnaires n'ont pas beaucoup d'autres raisons de se réjouir. Avant de procéder de même dans le secteur de l'énergie, il serait bon que les malheurs de France Télécom fassent école.
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