Les alliances obligées de l'industrie du médicament

L'industrie pharmaceutique est-elle encore une industrie de recherche ? La question n'est pas si provocatrice qu'elle en a l'air. Certes, la découverte de nouvelles molécules thérapeutiques est au coeur de l'activité de toute société pharmaceutique digne de ce nom. Mais aujourd'hui, au lieu d'effectuer eux-mêmes ce travail, les géants du médicament tendent de plus en plus à le confier à d'autres et à acheter le produit fini en fin de course de recherche-développement. Cette externalisation est une tendance lourde.La raison n'a rien de glorieux pour ces firmes souvent brocardées pour leur arrogance. Engoncés dans de pesantes structures bureaucratiques, les chercheurs de "Big pharma" sont tout simplement de moins en moins productifs, malgré les sommes importantes investies par les grands groupes en recherche et développement. Le résultat, dressé par la Food and Drug Administration américaine, est édifiant. En 2001, elle a donné son autorisation de mise sur le marché à 28 nouveaux médicaments innovants, soit le plus faible niveau depuis 1994. Il faut se rappeler qu'à la fin des années 1980, l'industrie pharmaceutique était capable de lancer chaque année de 50 à 60 produits sur le marché mondial. Or, sans nouvelles molécules, pas de croissance des résultats. En tout cas, pas celle à deux chiffres à laquelle les actionnaires des sociétés pharmaceutiques s'étaient habitués. Alors, pour avoir en portefeuille ces fameux "blockbusters" (médicament réalisant un chiffre d'affaires mondial d'un milliard de dollars), "Big pharma" s'adresse à plus petit, plus performant, plus créatif.C'est ainsi que plusieurs sociétés de biotechnologies ont fait irruption, ces dernières années, dans le paysage pharmaceutique. Spécialité : trouver et développer de nouvelles molécules pour ensuite conclure alliance avec un grand du médicament. A ces derniers de produire et de distribuer le produit, sans oublier de verser des royalties au labo découvreur. Plusieurs gros accords ont d'ores et déjà été signés pour des sommes très importantes : 480 millions de dollars pour celui d'Aventis avec Genta, portant sur un anticancéreux, et 380 millions pour le rachat, ces derniers jours, du Leukine par l'Allemand Schering à l'américain Immunex. Le Leukine est lui aussi un anticancéreux : la succession d'accord dans ce champ pathologique ne doit rien au hasard, tant les perspectives de profits sont importantes si le médicament tient ses promesses.Cette stratégie d'alliances entre gros et petits, si elle paraît réaliste, n'est cependant pas sans risques. Rachetées à la fin du processus de recherche mais non encore complètement développées, les molécules peuvent trahir en toute fin de course les espoirs de leurs promoteurs. C'est ce qui est arrivé à Bristols-Myers avec le rachat de l'anticancéreux Erbitux à la société ImClone. Achetée 2 milliards de dollars en juillet dernier, la molécule a été refusé à l'enregistrement par la FDA en décembre pour de complexes raisons règlementaires...Retrouvez l'actualité technologique tous les mercredis dans "La Tribune de l'Innovation", édition papier.
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