Orange toujours juteuse

Certains tablaient sur une perte record supérieure à 10 milliards d'euros. Finalement, à huit milliards d'euros, elle est historique, certes, mais relativement limitée. Or, l'opération transparence a paru vigoureuse à une majorité d'observateurs, qui jugent la purge suffisante pour remettre les compteurs à zéro. Alors pourquoi donc la fourchette basse ? Tout simplement parce France Télécom a été jusqu'au bout de sa logique en n'inscrivant des provisions exceptionnelles que pour les 15 % d'acquisitions qui se sont révélées "infructueuses". A savoir le câblo-opérateur NTL, l'opérateur mobile allemand MobilCom et Telecom Argentina. Ceux qui souhaitaient y trouver Orange pour accabler un peu plus l'opérateur français et creuser ses pertes ont été déçus. Les raisons ne leur manquaient pourtant pas. Sous l'influence des règles comptables américaines - pourtant guère à la fête depuis l'affaire Enron -, l'idée s'est répandue que les folies de la bulle Internet étant de l'histoire ancienne, il fallait passer "à la paille de fer" toutes les activités qui révèlent aujourd'hui un écart entre leur valeur d'acquisition et leur valeur de marché. Pesant aujourd'hui en Bourse trois fois moins que les 36 milliards d'euros payés en mai 2000 par France Télécom, l'opérateur français devait donc logiquement provisionner aussi pour Orange. Mais, procéder de la sorte n'aurait pas été juste au regard de la valeur intrinsèque de l'entreprise. Au-delà de sa valeur boursière, l'Orange achetée en mai 2000 n'est plus tout à fait la même en mars 2002. Depuis, l'opérateur britannique s'est notamment vu apporter les actifs de France Télécom Mobiles en France (anciennement Itinéris). Ces derniers n'étaient pas cotés, mais cette activité qui contrôlait plus de la moitié d'un marché français en pleine expansion valait assurément plus que les 2 milliards qu'elle pesait alors dans les comptes de France Télécom. Si l'on ajoute à cela que Orange a depuis consolidé sa place de deuxième opérateur mobile européen, qu'il a rattrapé le leader continental Vodafone sur le marché britannique et que ses prévisions de profits opérationnels dépassent pour l'heure les prévisions les plus optimistes, la décision de la direction de France Télécom de refuser de déprécier sa filiale prend tout son sens. Ce n'est pas une acquisition infructueuse. Quand bien même elle a contribué à creuser la dette. Plus intéressant encore, cette décision répond à cette question saugrenue : la Bourse et ses yo-yo irrationnels sont-ils les meilleurs étalons de valorisation d'une entreprise ?
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