MobilCom ou la mort annoncée d'une ambition trop coûteuse

En choisissant de se retirer de l'opérateur allemand et donc d'arrêter les frais outre-Rhin, France Télécom met un point final à deux ans de collaboration et signe en même temps la condamnation de son ex-partenaire d'outre-Rhin. "La société déposera son bilan très prochainement", a déclaré un porte-parole à l'AFP. Ecrasé sous une dette de 6,7 milliards d'euros, l'opérateur, qui emploie encore 5.000 salariés, n'a guère de chances de trouver un repreneur sur un marché déjà saturé. Refusant la mort de l'opérateur, le gouvernement allemand s'est empressé d'assurer qu'il allait l'aider à défendre ses droits face à France Télécom . "L'Allemagne déplore la décision de France Télécom de se soustraire à ses engagements contractuels. Berlin a prié avec instance le gouvernement français de faire en sorte que France Télécom respecte ses obligations", a déclaré une porte-parole. Par ailleurs, le ministre de l'Economie, Werner Mueller, est chargé de trouver une solution financière pour renflouer l'opérateur.Ces déclarations montrent bien que l'aventure est en train de prendre fin pour le petit opérateur allemand né il y a douze ans. Créé par le bouillonnant Gerhard Schmid et sa femme, Sybille, MobilCom avait l'ambition de profiter de la libéralisation des marchés pour concurrencer Deutsche Telekom. Contrairement aux autres acteurs du marché, MobilCom ne possède pas son propre réseau GSM. Il est simplement revendeur de services. Ce qui ne l'a pas empêché d'avoir eu une ascension rapide. Avec 6 millions d'abonnés GSM aujourd'hui contre 2 millions il y a deux ans, il est devenu le numéro 4 du marché, derrière Vodafone D2, T-Mobile et E-Plus (propriété de KPN), mais devant Viag Interkom (filiale du britannique mmO2).En mars 2000, quand France Télécom entre au capital de MobilCom à hauteur de 28,5%, c'est clairement pour exploiter cette manne et acquérir une licence UMTS. Mais MobilCom est déjà, pour le groupe français, une solution de rattrapage. Car les deux tentatives menées l'année précédente pour entrer sur le marché allemand se sont soldées par deux échecs. Premier essai: FT tente de nouer des participations croisées avec Deutsche Telekom. Quatre mois après avoir conclu un premier accord, l'Allemand le trahit pour Telecom Italia, une alliance qui elle-même tournera court. Solution de repli: FT envisage de racheter E-Plus, qu'il se fait souffler par KPN. Autant dire que MobilCom est sa dernière chance de s'assurer une présence outre-Rhin. Pour MobilCom, c'est l'occasion unique de participer à la course à l'UMTS, à l'époque considérée comme le sésame de la téléphonie mobile nouvelle génération. En août 2000, l'opérateur allemand obtient une licence pour la somme exorbitante de 8,4 milliards d'euros. Très vite, MobilCom inquiète les investisseurs. Avec une perte de 90 millions d'euros en 2000, les marchés se demandent si l'opérateur a les moyens de ses ambitions. Car les projets vont bon train, à coups de centaines de millions d'euros. L'opérateur s'endette. En janvier 2001, MobilCom ira même jusqu'à annoncer la création d'une banque, Mobilbank, en partenariat avec un établissement public du Bade-Wurtemberg. L'établissement financier est censé permettre aux clients de l'opérateur de réaliser des transactions via leur téléphone portable. Tout au long de l'année 2001, les relations se tendent entre MobilCom et France Télécom, tandis que les cours de Bourse des deux groupes chutent. En décembre dernier, Gerhard Schmid soupçonne l'opérateur français de vouloir profiter de la baisse du titre pour prendre les rênes de sa société à bas prix. C'est à ce moment là qu'un investisseur encore anonyme annonce avoir franchi le seuil des 5% de MobilCom.Début 2002, le conflit éclate au grand jour. Officiellement sur l'interprétation de la lettre décrivant les obligations de FT en matière d'investissement dans l'UMTS allemand. Selon MobilCom, France Télécom serait tenu soit d'assurer directement les financements nécessaires jusqu'au lancement de l'UMTS, soit de garantir des prêts bancaires. Si FT ne nie pas l'existence de cet accord, il en dément le caractère coercitif. Il demande en outre à son partenaire allemand de revoir à la baisse ses projets d'investissements dans l'UMTS, jugeant qu'il est peu raisonnable de miser autant d'argent sur une technologie aux perspectives si incertaines. Car un autre problème se pose: l'Allemand doit renégocier un crédit syndiqué de 4,7 milliards d'euros arrivant à échéance en juillet. L'accord sera trouvé in extremis avec les banques fin juin. En février, la place financière apprend que le fameux investisseur mystère de MobilCom n'est autre que la femme de Gerhard Schmid, Sybille. L'affaire tourne au scandale financier. France Télécom se demande comment Sybille Schmid a financé l'achat de ses parts et s'interroge sur le montage d'un plan de stocks options destinés aux salariés de l'entreprise et alimenté par ces mêmes actions. Le bras de fer continue entre les deux groupes et les menaces se multiplient. Le Français, qui menace l'Allemand de rompre unilatéralement son accord, obtient finalement le départ de l'ancien professeur de hockey sur glace en juin. Mais il est déjà trop tard : la dette étouffe MobilCom, dont le chiffre d'affaires recule. Et l'UMTS n'est plus qu'un mirage. Désormais, seule la filiale Internet, Freenet, a des chances de survivre au désastre. Les abonnés fixes et mobiles, eux, devraient revenir aux autres grands opérateurs.Vendredi, sur le Neuer Markt, l'action MobilCom, déjà massacrée jeudi, chute à nouveau : en fin de journée elle perd 40% à 1,08 euro. Elle en valait plus de 25 fin 2001.
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