Merrill Lynch reconnait et paye ses fautes

Après plusieurs mois de bras-de-fer, Merrill Lynch et le ministre de la Justice (Attorney General) de l'Etat de New York, Eliot Spitzer, ont finalement conclu un accord amiable visant à garantir une meilleure indépendance du département de recherche financière de la banque d'affaires... et à lui faire payer ses errements passés. Pour éviter des poursuites longues susceptibles de nuire à son image, Merrill Lynch a donc accepté de payer une amende de 100 millions de dollars : 48 millions iront à l'Etat de New York, le solde devant être réparti entre tous les autres Etats de l'Union, à condition bien sûr qu'ils acceptent les termes de l'accord.Parmi les autres engagements pris par la banque figurent la séparation complète et définitive entre la rémunération des analystes et les opérations de banque d'investissement réalisées pour le compte des entreprises faisant l'objet d'une recherche, la création d'un "Comité des recommandations de recherche" chargé d'assurer "l'objectivité, l'intégrité et un cadre d'analyse rigoureux" pour toutes les nouvelles recommandations émises par les analystes de Merrill Lynch et la mise en place d'un système de surveillance des communications entre les analystes du département recherche et la division de banque d'investissement du groupe. Enfin, le compromis prévoit la nomination - soumise à l'accord de l'Attorney General - d'un responsable chargé de veiller à l'application de ces engagements. Le communiqué publié par Merrill Lynch précisant les détails de l'accord s'accompagne d'une lettre d'excuses de la banque à ses "clients, actionnaires et salariés" pour les "communications inappropriées" mises au jour par l'enquête de l'Attorney General de New York. "Nous regrettons sincèrement qu'il y ait eu des sujets sur lesquels certains de nos analystes du secteur Internet aient exprimé des positions qui, sur certains points, sont apparues contradictoires avec les recommandations publiées par Merrill Lynch", ajoutent les dirigeants du groupe. David Komansky, son président, et Stan O'Neal, son directeur exécutif, s'engagent en outre à "renforcer les barrières [firewalls] qui séparent notre département de recherche de celui de banque d'investissement". Mi-avril, Merrill Lynch avait déjà fait des concessions en annonçant de nouvelles règles de publication de sa recherche financière : chaque étude est désormais assortie d'une série de mises en garde, précisant notamment si l'entreprise concernée a valu à la banque ou va lui valoir des commissions liées à des opérations de banque d'affaires. Les études stipulent en outre que les investisseurs doivent "supposer" que Merrill Lynch cherche à faire de cette société un client de sa banque d'affaires. Enfin, une série de ratios est systématiquement proposée, faisant apparaître la proportion de recommandations d'achats et de ventes de titres dans le secteur concerné.L'enquête continue - Eliot Spitzer, engagé depuis dix mois dans une vaste croisade contre les pratiques jugées douteuses des banques d'affaires, avait fait de Merrill Lynch sa cible privilégiée, accusant son département de recherche financière d'avoir publié des études outrageusement optimistes sur certaines entreprises cotées dans l'espoir d'obtenir d'elles des contrats et mandats de banque d'investissement. Son enquête a montré que ses analystes - parmi lesquels l'ex-"gourou" des valeurs Internet Henry Blodget - avaient émis, dans le cadre de correspondances privées, des commentaires très négatifs sur des valeurs dont ils recommandaient l'achat auprès des clients de Merrill Lynch. En outre, la banque aurait longtemps lié une partie de la rémunération des analystes au montant des commissions perçues sur les opérations de banque d'investissement réalisées pour le compte des entreprises dont ils assuraient le suivi. Pour Eliot Spitzer, "en adoptant les réformes prévues par l'accord de règlement, Merrill Lynch établit un nouveau standard pour le reste du secteur". Mais il ajoute que son bureau poursuit l'enquête sur "d'autres grands courtiers". En fin de matinée mardi à Wall Street, l'action Merrill Lynch progressait de 2,93% à 44,65 dollars et entraînait à la hausse les autres valeurs du secteur du courtage : JP Morgan Chase gagnait 1,9%, Morgan Stanley 0,6%, Goldman Sachs 0,4% et Lehman Brothers 1%. Au même moment, l'indice Dow Jones cédait 0,48%.Toujours visé par l'enquête des services d'Eliot Spitzer, Goldman Sachs, a annoncé mardi la nomination d'un "médiateur de la recherche", en la personne de Gerald Corrigan. L'ancien président de la Réserve fédérale de New York sera notamment chargé de veiller à l'application de la nouvelle politique de rémunération des analystes, mais il sera aussi à la disposition de ces derniers pour répondre à leurs questions sur d'éventuels risques de conflits d'intérêts. Goldman Sachs, qui assure n'avoir jamais directement lié la rémunération de ses analystes au chiffre d'affaires de banque d'investissement réalisé avec les entreprises qu'ils suivent, explique néanmoins vouloir rassurer les investisseurs sur l'intégrité de sa recherche.
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