Les analystes de Wall Street découvrent le parler vrai. Etonnant, non ?

C-1-1-9, cela vous dit quelque chose ? C'est pourtant clair : "risque au dessus de la moyenne, achat fortement recommandé à long terme, idem à court terme, pas de dividende" (en version originale : "above-average risk, long-term strong buy, short-term strong buy, no dividend"). Vous avez dit charabia ?Non point. Il s'agit d'une forte sérieuse recommandation émise récemment par Merrill Lynch à propos d'une société nommée Jones Apparel. Elle a été relevée par le Wall Street Journal comme l'un des exemples les plus caricaturaux de l'obscurité absurde atteinte par le vocabulaire utilisé pour conseiller les investisseurs.Il y en a beaucoup d'autres. Comment faire la différence entre "strong buy" et "aggressive buy" ? "Buy" et "accumulate" ? "Hold" et "neutral" ?L'effondrement des marchés à partir du mois de mars 2000 a montré que ces distinctions n'avaient de toute façon que peu d'intérêt. Sur les milliers d'actions cotées, à peine plus d'une dizaine avaient écopé du label "vendre".La supercherie a légitimement alimenté le soupçon : les analystes n'étaient pas là pour servir objectivement leurs clients - les investisseurs - mais pour faciliter la tâche des banquiers d'affaires de la maison - sur le thème : "confiez nous des opérations juteuses, vous pouvez compter sur l'indulgence de nos analystes".Cela n'est jamais dit aussi clairement bien sûr, et toujours farouchement nié sur la place publique. Merrill Lynch a toujours affirmé que son analyste vedette pour Internet (parti depuis), Henry Blodget, n'avait rien fait de répréhensible tout en signant un chèque de 400.000 dollars de dédommagement à un client qui avait suivi ses recommandations. Laura Martin, analyste médias au Crédit Suisse First Boston, a été remerciée quelques semaines après avoir "dégradé" la note d'une dizaine de groupes du secteur, mais le CSFB assure que ces deux événements n'ont naturellement aucun rapport.Mais voilà enfin que l'on fait assaut de vertu et de clarté. Prudential Securities a ordonné à ses analystes de choisir entre trois recommandations possible : "vendre", "acheter, "conserver". Point. Le géant de la finance est si fier de sa trouvaille qu'il la vante à coup de spots publicitaires télévisés. Merrill Lynch vient de mettre ses troupes en demeure de ne plus prendre les comptes "pro forma" pour argent comptant, mais d'examiner avec un oeil sceptique les raisons pour lesquelles les entreprises en écartent telle ou telle charge.Il reste à savoir si de tels changements sont cosmétiques ou annoncent un virage qui, pour être tardif, n'en serait pas moins le bienvenu.
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