Actionnaire ou bookmaker ?

On a parfois du mal à décrypter les soubresauts de la Bourse. Mais, au moins sait-on depuis une semaine que le cours de l'action de la première chaîne privé française joue au foot et suit de près les contre-performances de l'équipe de France de football. Ainsi le 31 mai, lors du match d'ouverture, à 14 heures (heure de Paris), lors du but du Sénégal contre les Bleus, l'action TF1 s'offrait un premier recul brutal. Hier, pendant le deuxième match des Bleus contre l'Uruguay, la courbe a suivi une évolution identique. Hypothéquant un peu plus les chances de qualification française, l'expulsion de l'attaquant vedette Thierry Henry a coïncidé à un nouveau recul brutal du cours qui s'est poursuivi jusqu'au coup de sifflet final intervenu sur un match nul. TF1 se repliait alors de 1,39 %. Que se serait-il passé si l'équipe de France avait été éliminée dès hier?Une élimination prématurée des Bleus serait, on le sait, désastreuse pour la chaîne du groupe Bouygues qui a dépensé 168 millions d'euros pour être la seule télévision française à diffuser les matchs du Mondial en direct. Les rencontres sont diffusées à des heures peu fédératrices et depuis quelques mois des études perçoivent une certaine saturation pour un sport désormais omniprésent sur les ondes tout au long de l'année.Seul argument justifiant cet investissement - mais quel argument ! -, c'est l'équipe de France, championne du monde et d'Europe. A priori toujours compétitifs, les Bleus sont un vrai produit d'appel, aptes à drainer massivement les recettes publicitaires. D'ailleurs, outre TF1, nombre d'autres grandes marques et entreprises ont misé sur eux. Mais la réalité des chiffres est implacable. Selon certaines sources, TF1 ne commencerait à gagner de l'argent que si la France atteint les quarts de finale. Et pour l'heure, l'affaire n'est pas très bien engagée.C'est donc un pari. Pour gagner gros, TF1 a misé gros et pris un gros risque. Comme au casino. Dans un environnement déjà soumis aux aléas de la conjoncture publicitaire, TF1 s'en est remis à de plus grandes incertitudes encore : celles du sport. Or, plus encore depuis une semaine, on ne doit pas oublier que le succès au football tient à très peu de choses : une star blessée, deux frappes sur le poteau ou un tacle légèrement appuyé.En devenant, du fait de sa popularité, un enjeu économique majeur, le football n'en est pas pour autant devenu plus prévisible. Au contraire. L'avènement du sport business a même accentué le rythme des matchs, au point d'éprouver sévèrement la résistance du principal capital des clubs - les joueurs. L'inflation concomitante et continue des droits de retransmission, des salaires des joueurs, et donc des budgets des clubs, a fait grossir les enjeux financiers du secteur et son besoin d'argent. Si certains ont pu y trouver leur compte, les risques ne doivent pas être minorés, mais au contraire rappelés à tous ceux qui sont tentés d'investir. L'actionnaire n'est pas un bookmaker.
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