Le gendarme de Wall Street enquête sur les banques d'affaires

La SEC (Securities and Exchange Commission), équivalent de la Commission des opérations de Bourse en France, a annoncé jeudi soir dans un communiqué qu'elle entamait une enquête officielle sur les pratiques des grands établissements en matière d'analyse et d'investissement.Après un an d'études informelles, la SEC s'associe entre autres avec le New York Stock Exchange et le ministre de la Justice (attorney general) de l'Etat de New York, Eliot Spitzer, pour une véritable opération de nettoyage des relations souvent incestueuses entre les départements "analyse" et "investissement" des grandes banques.Les analystes suivent les secteurs de l'activité économique pour donner des conseils d'achat aux investisseurs. Au sein d'un même établissement, ils sont théoriquement séparés, par une "muraille de Chine", de la banque d'investissement, qui s'occupe d'introductions en Bourse ou de conseils en acquisitions, et a donc comme clients les entreprises que jugent les analystes. La séparation théoriquement étanche a pour but d'éviter les délits d'initiés et de préserver l'indépendance des analystes face aux pressions "commerciales" des pôles d'investissement.Depuis la bulle spéculative de 2000 sur les valeurs TMT, puis avec l'affaire Enron (voir notre dossier), une grande partie des actionnaires individuels et de ceux qui les défendent reprochent à la muraille de connaître certaines failles... En clair, sous la pression de la banque d'investissement, un analyste peut avoir tendance à émettre des recommandations flatteuses, pour gagner les faveurs d'une société qui veut réaliser une acquisition ou s'introduire en Bourse. Un phénomène particulièrement observé lors de la bulle spéculative sur les valeurs technologiques, où les nombreuses introductions en Bourse constituaient une manne à ne pas rater pour les banques d'investissement.Les analystes peuvent également être soumis à des pressions externes. Certains affirment que des sociétés cotées leur ont refusé l'accès aux informations financières et aux rencontres avec les dirigeants par mesure de représaille suite à des recommandations jugées peu favorables. Ces dernières semaines, l'attorney general de l'Etat de New York n'a pas attendu la SEC pour s'en prendre à Merrill Lynch, la première maison de courtage du monde, sur des questions de transparence (lire ci-contre). Certains analystes, semble-t-il, se livraient à des doubles recommandations: un avis officiel sur la valeur, toujours flatteur, et un avis officieux, marqué du fameux sceau "Pos" (piece of shit). Une façon d'avertir les initiés sans pour autant se faire mal voir de la société en question. Ces doubles recommendations trompaient ainsi les actionnaires individuels qui, du fait de la survalorisation des valeurs TMT, ont pu perdre des sommes considérables.Merrill Lynch s'est notamment adjoint les services de Rudy Giuliani, ancien maire de New York, pour se défendre dans cette affaire. Rudy Giuliani, héros national depuis les événements du 11 septembre, avait été procureur général dans le retentissant procès pour junks bonds et délit d'initié de Michael Milken, un célèbre courtier new-yorkais.A Wall Street, l'annonce, jeudi, du démarrage de l'enquête officielle a fait plonger les titres des grandes banques d'affaires qui jouent là leur crédibilité et risquent de devoir payer des sommes considérables en dommages-intérêts, si les pratiques du milieu sont avérées. Morgan Stanley a perdu 5,6% et Merril Lynch 4,8% à la clôture de New York, tandis que l'indice sectoriel Amex des Brokers/Dealers chutait de 2,3%.latribune.f
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