Du veau d'or à la vache maigre

Mieux encore, ils viennent de renverser la vapeur si l'on en croit une enquête du Wall Street Journal: plutôt que d'embaucher un broker sur sa bonne mine, les grandes firmes portent aujourd'hui plus d'attention à la qualité des portefeuilles qu'il gère ainsi qu'à celle de ses clients. Bref, les coups de poker et la baraka ne suffisent plus..."Les choses ne sont pas très brillantes, explique Mark Elzweig, le directeur d'une agence de recrutement de New York. Ces firmes ont perdu beaucoup d'argent et l'investisseur moyen, qui attend toujours de voir quelle direction vont prendre les marchés, est passif. Alors, plus personne ne veut prendre de risque." Actuellement, Mark Elzweig cherche à caser un broker expérimenté qui, à l'époque du "boom", générait 500.000 dollars par an en commissions, la plupart provenant d'opérations effectuées sur des titres high-tech. Il était responsable d'avoirs portant sur 30 millions de dollars mais depuis l'éclatement de la "bulle spéculative", sa production a été divisée par deux. "Le résultat, explique Mark Elszweig, c'est qu'il cherche un autre emploi mais qu'il est incasable dans une grande firme.... Celles-ci préfèrent quelqu'un qui gérait des titres solides et pas nécessairement payé sur commission".Le temps n'est pourtant pas éloigné - deux, trois ans seulement - où, au plus fort du "bull market", les courtiers jetaient littéralement les dollars à la figure des brokers les plus en vue - notamment ceux spécialisés dans la "high-tech" et les valeurs Internet. Par exemple, en 1998, il n'était pas rare pour ceux-ci de débaucher les stars des concurrents en leur offrant d'emblée le double de leurs commissions gagnées lors des douze derniers mois. A la même époque, le revenu moyen annuel d'un broker se situait d'ailleurs autour de 175.000 dollars, certaines stars étant payées en millions de dollars. Des excès d'ailleurs condamnés en leur temps par Arthur Levitt, alors président de la Securities and Exchange Commission (SEC) : "Cela ne peut qu'encourager les brokers à s'engager dans des transactions qui ne sont pas toujours dans l'intérêt de leurs clients...", avait-il averti.Une prémonition qui s'est dans certains cas vérifiée... Mais maintenant que le vent a tourné et que la pompe à dollars s'est vidée, la stratégie d'embauche a radicalement changé : les firmes cherchent à recruter des candidats qui étaient plutôt payés sur la base d'une fixe substantiel que sur des commissions mirifiques. Exemple, Merrill Lynch dont le responsable des relations avec la clientèle, Bob Mulholland, explique : "A la différence d'autres firmes, nous avons toujours été très prudents dans notre politique de recrutement. Mais depuis que le marché est devenu plus difficile, je dois dire que nous sommes encore plus tatillons." Désormais, Merrill Lynch offre en effet un bonus à ses nouvelles recrues non pas dès leur arrivée mais un an après. Ces mesures d'austérité sont d'autant plus appréciables que les banques d'affaires et leurs analystes se trouvent actuellement dans le collimateur de la justice américaine. Après Merrill Lynch, accusé par le procureur général de l'Etat de New York d'avoir biaisé ses conseils aux épargnants pour s'attirer des contrats lucratifs des entreprises, Morgan Stanley et Credit Suisse First Boston pourraient être les prochaines cibles. Ces poursuites ouvrent la porte à des procès en nom collectif et des dommages et intérêts qui pourraient se compter en centaines de millions de dollars.... Le veau d'or risque de se transformer en vache maigre.
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