Semaine de cauchemar pour la TNT

Il faut bien de l'abnégation pour croire encore au succès de la télévision numérique terrestre (TNT) qui doit faire son apparition sur les écrans français courant 2003. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) examine actuellement les 66 dossiers de candidatures aux 33 canaux qui seront disponibles. Mais, outre le fait acquis que les futures chaînes hertziennes numériques ne seront pour la plupart que des chaînes existantes du câble et du satellite élargissant leur audience à un nouveau moyen de diffusion, les dernières nouvelles de l'étranger sont inquiétantes.Faute de repreneurs intéressés, le britannique ITV Digital a annoncé, lundi, la cessation de ses émissions. La concurrence avec le puissant bouquet satellite de Rupert Murdoch, BSkyB, était devenue difficilement supportable. La veille, l'espagnol Quiero TV, dans une situation similaire, avait exprimé son intention de restituer aux autorités son droit d'émettre avant de mettre la clé sous la porte. Enfin, aux Etats-Unis, la conférence de la National Association of Broadcasters (NAB) qui s'est tenue courant avril a permis de mesurer le retard du numérique terrestre outre-Atlantique.La Federal Communication Commission avait demandé que toutes les chaînes émettent en numérique le 1er mai. En réponse à cette exigence, elle a reçu de ces mêmes chaînes 860 demandes d'autorisation de retard d'une durée pouvant aller jusqu'à un an. Le déploiement de l'offre de télévision numérique hertzienne américaine devrait donc être retardé.Les chaînes ont décidé de se hâter doucement car les perspectives du numérique terrestre font encore largement débat parmi les analystes et les experts. D'autant plus que certains signaux sont, pour l'heure, éloquents sur le scepticisme du grand public américain, pourtant friand de télévision. Encore produits en faibles volumes même si les prix ont récemment baissé, les téléviseurs numériques intégrés se vendent peu. Selon des chiffres officieux cités par l'Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate), environ 100 000 téléviseurs ont été vendus en 2001 et 196 000 décodeurs. Rapportés aux 25 à 30 millions de postes de télévision analogiques vendus chaque année aux Etats-Unis, l'engouement paraît bel et bien limité.En France, où la commercialisation n'interviendra pas avant plusieurs mois, le défi ne sera donc pas mince pour ceux qui cheminent vers la TNT pour conquérir -comme Vincent Bolloré- ou reconquérir -comme Lagardère- une place dans le petit monde de la télévision. Les incertitudes restent grandes, au point que de grandes institutions financières de la place de Paris se sont refusées à investir un euro dans l'aventure.Les échecs britanniques et espagnols pèsent lourds, c'est un fait. Mais il y a aussi l'inconnue du mode de commercialisation qui sera adopté et qui sera un élément déterminant du modèle économique de la TNT. Enfin, et plus largement, c'est tout le secteur de la télévision qui connaît des difficultés financières depuis des mois, en étant confronté notamment à une conjoncture difficile (recettes publicitaires en baisse, coûts de production en hausse).Idée séduisante à l'origine, la TNT apparaît pour l'instant piégée par un timing qui s'est révélé désastreux. De ce fait, elle pourrait être un dossier à traiter rapidement par le prochain gouvernement, si celui-ci affiche la volonté d'une réflexion sur le paysage audiovisuel français.Olivier Nicol
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