La Sécurité sociale menacée par des "déficits non maîtrisables"

La dérive des dépenses de santé met en péril la Sécurité sociale: c'est ce qu'affirme la Cour des Comptes dans un rapport publié aujourd'hui, dont la conclusion est sans équivoque. A défaut de reprise en main très rapide, ce sont des "déficits non maîtrisables" qui se profilent à brève échéance...Ce n'est plus un simple cri d'alarme, mais bien le constat d'une dégradation dramatique de la situation que dresse la Cour des Comptes dans son rapport sur les comptes de la Sécurité sociale en 2002. Problème central relevé par les magistrats de la Cour: le dérapage accéléré des dépenses maladie, dont le régime pourrait afficher pour 2003 un déficit s'élevant à 11 milliards d'euros.L'année 2002 passée en revue aura été une année noire pour la Sécurité sociale. Elle a en effet été "marquée par le retour des déficits après trois années d'excédents", note le rapport. Le régime général a terminé l'année sur un déficit de 3,4 milliards d'euros, après un excédent de 1,1 milliard en 2001. Bien sûr, le ralentissement économique explique en partie cette dégradation: il a suscité "un net ralentissement de la progression des recettes de la sécurité sociale: +2,8% en 2002, au lieu de +6,3% en 2001".Mais ce phénomène n'est pas le principal responsable de la montée des déficits: "l'emballement des dépenses observé depuis 2000 est le facteur explicatif central de la dégradation des comptes sociaux observée en 2002", souligne le rapport. Et c'est en l'occurrence le régime d'assurance maladie qui est en cause. Car les branches famille et vieillesse ont réussi à préserver leur situation excédentaire l'année dernière (1 milliard et 1,7 milliard d'euros respectivement, contre un déficit de 6,1 milliards pour la maladie).En 2002, n'hésitent pas à affirmer les magistrats de la Cour des Comptes, "les dépenses d'assurance maladie ont, en pratique, évolué en dehors de tout cadre de régulation", avec en conséquence un dépassement qui est "le plus important depuis l'origine". L'Ondam (objectif des dépenses maladie voté par le Parlement) a encore moins été respecté que les années précédentes. Pourtant fixé "à un niveau élevé, traduisant un net relâchement de sa norme d'évolution", l'Ondam a été dépassé de 3,9 milliards d'euros, pour s'établir à 116,7 milliards.Et pour cette année, la situation n'est pas en train de s'arranger, bien au contraire: la Cour des Comptes formule une prévision encore pire que prévu d'un déficit de l'assurance maladie bondissant à 11 milliards. Au total, souligne-t-elle, "les déficits cumulés de la branche maladie depuis 1997 pourraient approcher 29 milliards d'euros" à la fin de cette année.Pourquoi de tels dérapages? Selon la Cour des Comptes, ce n'est pas "une inflexion de la demande de soins" qui explique le phénomène. Ce qui est en cause, en fait, c'est "la vive progression des arrêts de travail", ainsi qu'un ensemble de décisions intervenues depuis 2000: les protocoles hospitaliers de 2000 et 2001, la création d'un tarif de visite à domicile majoré pour les patients âgés, la revalorisation des honoraires des généralistes, etc...En fait, le rapport estime que le dérapage systématique des dépenses "met en évidence une défaillance des instruments et procédures de régulation, ainsi que des actions structurelles sur les comportements des professionnels, des patients et sur l'organisation des soins". Autrement dit: les différentes politiques de maîtrise des dépenses de santé engagées par les pouvoirs publics sont tout simplement sans prise sur les événements...Un état de fait qui mène tout droit à la catastrophe. Car les magistrats de la Cour estiment que si ces questions ne sont pas traitées de toute urgence, le risque est "de voir se creuser des déficits non maîtrisables". Et ce sont bien des réformes radicales qui seront nécessaires. Car selon le rapport, "il convient de s'interroger sur la possibilité réelle de contenir l'évolution des dépenses dans le cadre actuel de l'organisation du système de santé et d'assurance maladie".D'autant que le pire est à venir. Si le régime vieillesse tient encore le coup, le rapport rappelle que "s'amorcera à partir de 2005 l'accélération des dépenses de retraite". Le vieillissement de la population contribuera ainsi à alourdir les charges de retraite, mais aussi les dépenses maladie. La Cour des Comptes appelle donc également de ses voeux la mise en place de dispositifs pour "développer la prévention de diverses pathologies et pour adapter notre système de santé aux besoins des personnes âgées".Vu la gravité de tous ces problèmes, la Cour demande qu'ils soient traités "sans délai": Jean-Pierre Raffarin, qui a décidé de repousser d'un an toute décision sur la Sécurité sociale, estimant qu'il ne pouvait faire passer une deuxième réforme de fond aussitôt après celle des retraites, appréciera...
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