Le Conseil des Impôts dénonce la multiplication des niches fiscales

Le constat formulé aujourd'hui par le Conseil des Impôts, à défaut d'être très nouveau, tombe au bon moment, au lendemain des arbitrages budgétaires rendus par Jean-Pierre Raffarin. Alors que le Premier ministre vient de décider de réduire l'impôt sur le revenu de 3% et de relever le montant de la prime pour l'emploi, le rapport du Conseil apporte un éclairage cru sur les dysfonctionnements de notre fiscalité.Le rapport publié ce matin est consacré à la "fiscalité dérogatoire", autrement dit aux niches fiscales qui viennent modifier les règes générales de l'impôt au profit de telle ou telle catégorie de contribuables.Première constatation du Conseil: ces mesures dérogatoires sont innombrables et extrêmement coûteuses. La fiscalité d'Etat (sans parler des impôts locaux et des prélèvements sociaux) comprend plus de 400 niches. Leur coût pour les finances publiques n'est évalué que pour la moitié d'entre elles - et représente pas moins de 50 milliards d'euros, soit la bagatelle de 20% des recettes fiscales nettes de l'Etat.Mesures sans bénéficiairesSi tous les types d'impôts sont concernés, certains le sont plus que d'autres: le coût des "niches" attachées à l'impôt sur le revenu représente ainsi 60% du produit de ce dernier... A l'inverse, il existe des mesures dérogatoires qui ne sont, certes, pas coûteuses: celles qui n'ont tout simplement... aucun bénéficiaire.Autre problème de fond de cette prolifération de dispositions fiscales: leur extrême complexité, qui résulte souvent de l'empilement de mesures successives concernant les mêmes domaines. Exemple avancé par le Conseil: "de nombreux dispositifs en faveur de la création d'entreprise, qui sont d'un coût faible ou inconnu, nuisent à la lisibilité des aides publiques, pourtant utiles dans ce secteur". Autre exemple, celui de la fiscalité de l'épargne: "à côté des principaux régimes qui régissent les revenus de l'épargne (taxation au barème, prélèvement libératoire, exonération), souligne le rapport, un grand nombre de mesures spécifiques ont été mises en place, qui, en dépit des règles complexes imaginées pour limiter le cumul des avantages fiscaux, n'ont pas empêché une concurrence, si ce n'est des incohérences, entre les différents objectifs poursuivis par ces mesures particulières".Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que l'efficacité réelle de ces dipositions soit souvent discutable, voire contradictoire avec les objectifs recherchés. Un exemple: les dépenses fiscales dont bénéficient les retraités. Celles-ci se traduisent "par un niveau d'imposition moindre que pour les actifs, alors que leurs niveaux de vie sont aujourd'hui comparables", souligne le Conseil.Une prime pour l'emploi "peu adaptée"Celui-ci s'en prend également à un morceau de choix: la prime pour l'emploi. Cet outil fiscal destiné à lutter contre les trappes à inactivité "paraît peu adapté dans la mesure où: elle s'adresse à une partie de la population qui est mal informée ; elle n'est versée que plus d'un an après la reprise d'une activité, en raison des modalités de gestion de l'impôt sur le revenu ; elle ne représente, quand les bénéficiaires potentiels ne sont pas exclus par le jeu des seuils d'éligibilité, qu'un supplément de revenu modeste, notamment pour les travailleurs à temps partiel en dépit de la revalorisation effectuée en 2003". Des commentaires qui devraient être appréciés à Matignon, où Jean-Pierre Raffarin vient de décider d'affecter 500 millions d'euros supplémentaires à la prime pour l'emploi en 2004.Tirant les conséquences de ce constat calamiteux, le Conseil formule douze propositions destinées à traiter les problèmes identifiés. Un certain nombre visent à mieux cerner le coût et l'efficacité des niches fiscales, ainsi qu'à en limiter les possibilités de création. Le Conseil suggère par exemple que toute nouvelle mesure dérogatoire devrait être limitée dans le temps.Mais le rapport propose également de réexaminer l'ensemble des dispositifs existants, quand ils sont "peu cohérents ou mal adaptés". En matière de fiscalité de l'épargne, par exemple, les mécanismes en place pourraient être réorientés vers des sujets "prioritaires" comme l'épargne retraite. Le Conseil met également en cause la multiplication des mesures concernant la famille: juxtaposition de déductions pour garde d'enfant et de dispositions comme la demi-part supplémentaire pour personne seule ayant eu un enfant à charge. Il s'interroge également sur le maintien de l'exonération de CSG ou de CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) sur les pensions "compte tenu de l'évolution du niveau de vie des personnes âgées". Ce réquisitoire sans concession sur le fonctionnement de notre système fiscal vient apporter un éclairage bienvenu dans le débat actuel sur les choix fiscaux effectués par le gouvernement. Il rappelle de façon appuyée qu'en matière fiscale, des réformes de fond auront plus d'impact qu'une baisse de barême quelle qu'elle soit. Sans que les deux soient d'ailleurs contradictoires: selon le ministre du Budget Alain Lambert, interrogé après la publication de ce rapport, si les niches fiscales se sont multipliées, c'est "parce que le barème de l'impôt est trop élevé". Et en conséquence, "la vraie solution pour les supprimer, c'est de baisser ce barème".
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