Les décès liés à la canicule pourraient dépasser les 10.000

Le débat sur les conséquences de la canicule n'est pas près de s'arrêter et risque bien de dominer la rentrée politique dans les jours à venir. Et cela d'autant plus que le chiffre des décès liés aux grandes chaleurs pourrait être bien plus élevé qu'on ne le pensait jusqu'ici.Selon les estimations réalisées par les Pompes funèbres générales, en effet, ce sont quelque 10.400 décès supplémentaires qui seraient intervenus en France durant les trois premières semaines d'août, par rapport aux mêmes périodes des années précédentes. Même si tous ces décès ne sont pas forcément liés directement à la canicule, ce chiffre, qui porte sur la période des plus fortes chaleurs, est très supérieur aux dernières estimations retenues par les pouvoirs publics. En début de semaine, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, avait qualifié de "plausible" un chiffre de 5.000 décès. Le ministère de la Santé s'est d'ailleurs aussitôt employé à relativiser le chiffre des Pompes funèbres, déclarant à l'AFP que "seule une étude scientifique" menée actuellement "permettra d'avoir des données fiables" sur les morts liées à la canicule. L'Institut national de veille sanitaire travaille actuellement à cette étude et devrait publier un bilan provisoire de son enquête nationale à la fin du mois d'août. Mais d'autres éléments renforcent le sentiment que l'ampleur du drame a été jusqu'ici sous-estimée. Selon la mairie de Paris, 1.474 décès ont été déclarés aux services de l'état civil des mairies d'arrondissement du 1er au 18 août, soit 2,3 fois les chiffres de la même période de l'an dernier (638 décès). Là encore, le lien direct avec la chaleur ne peut être systématiquement établi, mais, avec une surmortalité de 836 par rapport à 2002, "l'effet canicule est incontestable", souligne-t-on à la mairie. Enfin, selon les Pompes funèbres générales, qui représentent 25% du marché funéraire, une projection réalisée sur l'ensemble du mois d'août pourrait porter le nombre total de décès supplémentaires à plus de 13.600.Pas étonnant, dans ces conditions, que l'on s'émeuve au plus haut niveau de l'Etat. Le président de la République a ainsi fait savoir ce mercredi qu'il avait demandé à chaque ministre concerné de faire "un point très exhaustif" sur les conséquences du phénomène, lors du Conseil des ministres de rentrée qui se tient jeudi.Le Conseil entendra donc des communications des ministres de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, de l'Ecologie Roselyne Bachelot, de la Santé Jean-François Mattei, de l'Agriculture Hervé Gaymard, de l'Industrie Nicole Fontaine et du secrétaire d'Etat aux Personnes âgées Hubert Falco. Cette initiative présidentielle intervient alors que le silence de Jacques Chirac depuis le début de la crise est l'objet de vives critiques de la part de l'opposition. Demeuré en vacances au Canada ces deux dernières semaines, le président de la République "a été aux abonnés absents", a ainsi dénoncé le socialiste Claude Bartolone dans une interview au Parisien, tandis que le Vert Alain Riou critiquait "la volonté délibérée de Jacques Chirac de ne pas prendre la parole" sur le sujet.Du coup, l'opposition entend bien exploiter l'affaire. Les groupes socialiste et communiste à l'Assemblée nationale ont ainsi demandé chacun la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les conséquences de la canicule. Le Parti communiste entend notamment s'interroger sur "la pertinence des politiques successives retenues en matière de santé publique, la réduction des moyens de la santé, la disparition d'hôpitaux de proximité, les milliers de postes de médecins et d'infirmières ni financés, ni pourvus, les milliers de lits supprimés" ou encore "le gel des crédits d'Etat pour la modernisation des maisons de retraite". Seule voix discordante - comme souvent - à gauche, l'ancien ministre socialiste de la Santé Bernard Kouchner s'est demandé mercredi sur RTL s'il aurait "fait mieux" que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et a appelé ses amis socialistes à ne pas trop "jouer les fanfarons".Côté gouvernemental, on tente toujours de déminer le terrain. La ministre de l'Ecologie Roselyne Bachelot a mis en cause mercredi sur RMC-Info "une situation exceptionnelle qui a provoqué une catastrophe humaine considérable. A l'évidence, des dysfonctionnements se sont produits dans un système qui ne privilégie pas assez la prévention"."La canicule que nous avons vécue n'est que la préfiguration de ce qui va se passer dans les années à venir: nous allons dans un phénomène de réchauffement global de la planète, nous allons être obligés de considérablement réviser nos systèmes d'alerte, nos moyens de prévention", a-t-elle ajouté, estimant que cette situation ne remet pas en cause l'énergie nucléaire qui "constitue la base de la fourniture électrique française et qui, en tout cas, a l'énorme avantage de ne pas émettre de gaz à effet de serre".
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