La France et le défi de l'intelligence économique

Il serait très injuste de dire que la France part de zéro en la matière. Voilà maintenant une bonne dizaine d'années que l'intelligence économique fait partie des préoccupations des entreprises comme des pouvoirs publics, à Paris comme en régions. Puisque l'on est en France, elle a même son école (L'école de guerre économique, dirigée par Christian Harbulot) et elle a déjà fait l'objet d'excellents rapports.L'un des premiers à faire date fut celui rédigé en 1995 par Henri Martre. L'auteur y définissait l'intelligence économique comme "l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques, obtenue légalement dans les meilleures conditions de qualité, de délais et de coût."A défaut d'être légère et simple, la formule est judicieuse. L'intelligence économique y apparaît légitimement comme un investissement essentiel et une démarche légale - en théorie, au moins... On perçoit qu'elle peut être une arme concurrentielle redoutable.Elle l'est, naturellement. Sinon, pourquoi Microsoft, numéro un mondial du logiciel, se serait-il assuré le soutien de... trente cabinets spécialisés ? Or les entreprises françaises, déclarait récemment Bernard Carayon dans nos colonnes (1), "font de l'intelligence économique comme M. Jourdain faisait de la prose". Il ajoutait : "Ni les entreprises ni les pouvoirs publics savent ce qui est important à défendre pour notre pays."Le député du Tarn a donc pour ambition de réaliser "trois mariages et un enterrement" : "le mariage des administrations entre elles, celui du public avec le privé" et l'alliance entre "zone blanche", à savoir les actions menées en terrain ouvert, et "zone grise", là où elles sont plus discrètes. L'enterrement ? Celui "des naïvetés françaises si considérables lorsqu'on compare notre attitude aux pratiques anglo-saxonnes".Si l'on parle d' "intelligence" plutôt que d'information, c'est bien parce que le concept vient de la langue anglaise - et de l'autre côté de l'Atlantique, où la machine de l'intelligence économique est aussi bien huilée que redoutable. Qui cherche à tout savoir sur vos produits, votre stratégie, vos contacts ? Qui se trouve derrière une manipulation incompréhensible de vos cours de Bourse ou la disparition de documents ? L'intelligence économique n'est certes en rien synonyme d'espionnage industriel. Mais la frontière entre les deux n'est pas toujours totalement hermétique et, selon les calculs du Congrès, il en coûte chaque année 300 milliards de dollars à l'économie américaine.Le développement d'Internet, la montée des tensions franco-américaines à propos de l'Irak sont deux raisons parmi d'autres de penser que relever le défi de l'intelligence économique est plus urgent que jamais. Certains en ont déjà pris l'initiative. Il reste à en faire une politique. (1) La Tribune, 7 avril 2003
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