Transformer le gouffre en pactole

Le gouvernement n'a pas le choix. La dégradation des comptes de l'assurance maladie l'oblige, après les retraites, à s'attaquer au douloureux dossier du trou de la Sécu (près de 10 milliards d'euros cette année). C'est dans ce contexte qu'intervient l'offre de service des assureurs. Par la voix de leur Fédération, la FFSA, ils se sont dit prêts à gérer au premier euro l'optique et le dentaire, tout en précisant d'entrée de jeu qu'il ne s'agissait pas pour eux de privatiser la Sécurité sociale. Le grief qui leur est fait est bien connu : ils sont prêts à prendre en charge les seuls domaines où il est possible de gagner de l'argent. Ce qui reviendrait à privatiser les bénéfices, tout en laissant la collectivité prendre en charge les secteurs déficitaires. Provocatrice, l'idée ne mérite-t-elle pourtant pas d'être creusée? Le principe de l'accès de tous aux soins une fois posé, est-il à ce point sacrilège d'envisager que le domaine de la santé soit lui aussi confié à des intérêts, certes privés, mais dont le fondement n'est autre que de mutualiser des risques? Après tout, ne convient-il pas de laisser la solidarité nationale s'exercer là où personne ne saurait s'y substituer, et confier à d'autres le soin de gérer l'économie de la santé? La réponse à ces question est bien évidement politique. C'est aussi une question de responsabilité collective et individuelle. Convaincus que la santé n'a pas de prix, les consommateurs français de soins semblent ignorer que notre système est déjà entré dans une logique fortement comptable. Gestion publique ou privée, dans un cas comme dans l'autre l'accumulation des déficits reste une impasse. Qui laisse déjà les assureurs complémentaires assumer une part de plus en plus importante des dépenses. Un engrenage qui, soit dit en passant, ne profite qu'à ceux qui ont la possibilité et les moyens de s'offrir ce type de couvertures. On sait les Français très attachés à leur système de santé. Autant dire que toute perspective de privatisation de la Sécurité sociale risque de soulever les foules. Quant aux assureurs, le fait qu'ils fassent preuve d'une extrême prudence sur le sujet est éclairant: ils se savent en terrain miné. Les Français se souviennent des idées de Claude Bébéar sur le sujet, alors même qu'Axa envisageait de tripler les cotisations de certaines personnes handicapées. Inutile de dire qu'il faudra éviter ce genre de hiatus pour que les compagnies parviennent à convaincre de leur sincérité. Il leur faudra aussi s'engager à ne pas s'en remettre à l'Etat si les risques deviennent démesurés, ce qui pourrait bien être le cas en matière médicale. Confrontés à la montée du risque terroriste, les assureurs s'en étaient remis aux Etats. Demain, feront-ils de même avec les malades?
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