Ne dites pas à ma mère que je suis analyste...

Les temps sont durs pour les analystes financiers. Les critiques à leur encontre fusent de toutes parts et visent tout particulièrement leur intégrité. Le groupe LVMH (propriétaire de La Tribune) traînant en justice Morgan Stanley et son analyste vedette du secteur du luxe, accusée d'avoir produit des notes "biaisées" sur le groupe, vient donner une nouvelle dimension, judiciaire, à une polémique qui enfle sur les grandes places financières depuis plus de deux ans. Autre nouveauté : c'est un émetteur, une société cotée, qui se rebiffe. Jusqu'alors, les poursuites venaient de groupes d'actionnaires individuels, dont certains ont d'ailleurs obtenu de la justice américaine réparation du préjudice pécuniaire subi du fait de recommandations boursières exagérément favorables émises dans le seul but de décrocher de lucratifs contrats : dix banques de renom ont ainsi été condamnées à une amende globale de 1,4 milliard de dollars en décembre. Et la SEC, l'équivalent de la COB outre-Atlantique, ne cesse de tancer les grandes firmes de Wall Street pour moraliser la profession. Le débat, longtemps très américano-américain, est toujours le même : quelle est l'objectivité des opinions des analystes ? Comment résoudre les conflits d'intérêts ? Comment garantir l'étanchéité, parfois douteuse, de la fameuse "muraille de Chine" censée séparer la recherche des activités de banque d'affaires des grands établissements financiers ? Une problématique qui n'est pas sans rappeler celle des relations incestueuses de l'audit et du conseil, qui furent au coeur de l'affaire Enron. Faudra-t-il un scandale de la même ampleur pour que la profession se saisisse du problème à bras le corps ? Une multitude de "petits" scandales ont déjà jeté l'opprobre sur les analystes et leur déontologie discutable. Le doute jeté sur leur probité vient accentuer un malaise plus ancien né des charges portées contre la fiabilité des prévisions : l'explosion de la bulle technologique a révélé les incohérences de certaines analyses, les dérives entraînées par la course aux introductions dans des conditions critiquables sur le plan éthique et les erreurs monumentales de certains experts vedettes aux salaires faramineux, vertement remerciés depuis. Il semble bien loin le temps des arrogantes stars de l'analyse débauchées à coup de millions de dollars ! Les experts sont dorénavant contraints à un douloureux exercice d'humilité, comme chez UBS Warburg qui soumet son équipe de recherche à une évaluation de la "pertinence", du degré de probabilité de ses prévisions et de ses conseils... Les analystes actions, qui se sont vus rafler la vedette par les analystes crédit dans certains gros dossiers (France Télécom et Vivendi Universal) qui ont dévoilé leur incapacité à détecter l'approche d'une grave de crise de liquidités, n'ont même plus la confiance des vendeurs de leur propre maison. Tout ceci dans une ambiance pas très folichonne, compte tenu des difficultés traversées par leurs employeurs qui, dans le marasme boursier persistant, licencient à tour de bras... Tout en leur demandant de se transformer en vulgaires VRP de la finance en consacrant de plus en plus de temps au "marketing", à des tournées dans les grandes capitales à la rencontre des investisseurs, voire de la presse, pour "vendre" leurs recommandations, leurs idées et si possible ramener des contrats... Dur, dur métier...
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.