Clients captifs, profits garantis

"Le numéro à vie, c'est raté !", titrait jeudi Le Parisien. C'était pourtant annoncé en fanfare début juillet : il serait désormais possible de changer d'opérateur de téléphonie mobile sans changer de numéro. Une possibilité baptisée du nom barbare de "portabilité du numéro".Selon le quotidien, en un peu plus de trois mois, à peine plus de 1.250 clients ont bénéficié de cette procédure. Selon ses promoteurs, elle devait dynamiser le marché du mobile en France en faisant sauter le principal verrou qui empêche les abonnés au téléphone mobile de changer d'opérateur. Mais à en croire ce premier bilan, ce ne sont pas plus de 0,003 % des 40 millions d'abonnés français qui ont fait la démarche...Certes, à première vue, un tel jugement peut paraître sévère. Trois mois, c'est en effet un peu court pour disposer d'un recul satisfaisant, surtout si les trois mois couvrent une période de vacances estivales. Mais surtout, la procédure choisie par les opérateurs et l'Autorité de régulation des télécoms (ART) s'étale au moins sur trois mois, ce qui peut expliquer des chiffres peu significatifs pour l'instant.Néanmoins, si l'on s'en tient à l'objectif de départ - relancer la concurrence sur le marché français du mobile -, force est de reconnaître qu'il y a comme un défaut. Les associations de consommateurs relèvent qu'un délai de trois mois est en l'espèce inadapté et tout à fait décourageant pour les candidats au changement d'opérateur. Mais, de surcroît, les récits foisonnent déjà sur les manoeuvres de dissuasion des opérateurs. Comme s'ils ne voulaient rien changer, et les raisons ne manquent pas.Après la phase de conquête frénétique de nouveaux abonnés des années 1999-2001, les trois opérateurs français ont stabilisé leur part de marché autour - grossièrement - de 50% pour Orange, 35% pour SFR et 15% pour Bouygues Telecom. Environ deux tiers des Français sont aujourd'hui abonnés à un opérateur mobile, ce qui place la France derrière la plupart de ses voisins européens, du nord comme du sud. Or, malgré ces données, les opérateurs hexagonaux dégagent des profits opérationnels faramineux, en forte croissance qui plus est. Pour Orange, ce fut, en 2002, 2,7 milliards d'euros, SFR environ 2 milliards et Bouygues Telecom 305 millions d'euros. Pourquoi changer, dès lors, des équipes qui gagnent ? Même l'argument du surplus d'abonnés à séduire au regard du tiers de Français dépourvus de mobiles ne fait pas mouche. Sans doute sont-ils trop chers à conquérir. Il reste que l'ART ne pourra rester longtemps inerte. Les niveaux de profit des opérateurs mobiles laissent déjà penser que leur prospérité se fait dans une large mesure sur le dos des consommateurs. De plus, la France, avec ses 60 millions d'habitants et ses trois opérateurs, peut difficilement éviter de ressembler à un oligopole. Pour faire mieux, rendre la portabilité plus lisible et plus attrayante est un impératif. Créer les conditions du lancement d'un opérateur mobile virtuel en est sans doute un autre.
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