La prière de Duisenberg

Dans les propos rapportés hier matin par le quotidien économique et financier espagnol Expansion, celui qui s'apprête à quitter la BCE à la fin du mois assène une première vérité : le dollar n'a pas fini de dégringoler. La poursuite de cette chute est même "inévitable". La raison tient en un chiffre : les Etats-Unis accumulent un déficit de leurs comptes courants de près de 140 milliards de dollars... chaque trimestre. Le budget de l'Etat fédéral, en outre, terminera l'année fiscale dans le rouge pour environ 500 milliards.En d'autres termes, l'Amérique inonde le monde de dollars. L'Europe n'est naturellement pas la seule à s'en inquiéter, ni à en souffrir. Au cours du seul mois de septembre, le Japon a dépensé 40 milliards de dollars sur le marché des changes pour tenter de contenir la montée du yen. La Chine laisse entendre qu'elle réévaluera son yuan... plus tard, tandis qu'elle savoure les avantages d'une devise arrimée au billet vert. Mais Pékin ne pourra éternellement ignorer la pression - d'une intensité croissante - en provenance de Washington.L'Europe, pendant ce temps-là ? Elle prie.On se souvient de la réplique fameuse lancée en 1971 à quelques responsables du vieux continent par le secrétaire au Trésor de Richard Nixon, John Connally : "Le dollar est peut-être notre monnaie, mais c'est votre problème." La prière pourrait ne pas suffire, car la montée de l'euro face aux deux autres grandes monnaies mondiales est probablement le plus grave problème auquel les pays qui ont adopté la monnaie unique sont confrontés aujourd'hui.A certains égards, un euro fort est compréhensible. Les échanges extérieurs de la zone sont équilibrés, voire excédentaires. Mais son chômage est élevé (8,8% de la population active). Les deux économies les plus importantes de la zone, l'Allemagne et la France, sont en panne de croissance et confrontées à des finances publiques lourdement déficitaires. L'envolée de la monnaie unique pourrait lui interdire tout espoir de reprise.Il ne faut visiblement pas compter sur le successeur de Wim Duisenberg, Jean-Claude Trichet, pour changer de cap ou de discours le mois prochain. La politique monétaire ne sera pas plus agressive ou accommodante. Dans le contexte actuel, il se pourrait d'ailleurs qu'une baisse des taux, en améliorant les perspectives de croissance, entraîne une nouvelle hausse de la monnaie.Dans la durée pourtant, il ne serait pas malvenu que les sages de Francfort fassent grimper la croissance dans leur liste de priorités. C'est un message dont devrait être porteur le nouveau gouverneur de la Banque de France, nommé dans les jours qui viennent, quand viendra le moment de débattre avec son prédécesseur.
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