La fin de la guerre ne réglera pas les problèmes de l'économie américaine

latribune.fr - Est-il raisonnable de penser qu'avec la fin de la guerre en Irak, l'économie américaine renouera avec une croissance solide et durable?Evariste Lefeuvre - Si on essaie de faire un scénario macro-économique, il paraît hasardeux et peu sérieux de le baser sur des hypothèses liées à ce conflit. En fait, il me semble qu'il faudrait s'interroger et faire un diagnostic des forces et faiblesses de l'économie américaine. A partir de là, on pourra pondérer ce scénario central en fonction des issues possibles de la guerre. Avant tout, je crois qu'il faut éviter d'essayer d'expliquer la situation actuelle par des seuls facteurs exogènes.La fin de la guerre permettra néanmoins d'y voir un peu plus clair...Effectivement, la guerre finie, certaines incertitudes seront levées et on pourra pointer les facteurs qui brident la croissance. Mais on peut déjà dire que l'économie américaine présente encore un visage assez terne. Aujourd'hui elle ne dispose pas des ressources propres pour afficher une croissance de l'ordre de 4%. Les Etats-Unis ne se sont pas remis de leurs excès passés et pour repartir sur des bases saines, un certain nombre d'efforts doivent encore être consentis. C'est notamment le cas au niveau des entreprises qui doivent restaurer leur profitabilité.Comment peuvent-elles y parvenir?Traditionnellement, les entreprises peuvent jouer sur deux variables : les gains de productivité et les salaires réels. En 2001 et 2002, les entreprises américaines ont affiché de forts gains de productivité mais ce rythme ne saurait être tenu cette année, à moins d'ajuster la masse salariale... C'est la raison pour laquelle le marché du travail va continuer à se dégrader en 2003, avec un taux de chômage moyen de 6,3% au deuxième trimestre. Cette détérioration va bien évidemment peser sur la consommation des Américains. Dans votre scénario, des risques importants pèsent donc sur la consommation en 2003?D'une part, le pouvoir d'achats des ménages américains ne sera pas dopé cette année comme l'an dernier par les refinancements des prêts hypothécaires. D'autre part, dans une conjoncture difficile sur le marché du travail, les Américains devraient ajuster leur comportement d'épargne à la hausse. Enfin, il paraît clair aujourd'hui qu'en contrepartie des 74,7 milliards de dollars réclamés par l'administration Bush pour financer la guerre en Irak, le Congrès devrait revoir de moitié le plan décennal de réductions d'impôts. Quand on sait que les collectivités locales équilibreront leurs finances avec une hausse de la pression fiscale, on trouve là un autre frein au dynamisme de la consommation en 2003.A ce stade, comment la Réserve fédérale (Fed) peut-elle agir pour soutenir l'économie américaine? A court terme, nous tablons sur un nouvel assouplissement de la politique monétaire et ce dès le mois de mai, motivé notamment par la détérioration du marché du travail. Plus généralement, gouvernement et Fed ne semblent plus coordonner leurs actions et la Banque centrale américaine est désormais subordonnée à l'évolution des déficits publics: si elle n'intervient pas, elle laisse le Trésor émettre des monceaux de dette publique et assiste à une remontée drastique des taux d'intérêt qui ne manquera pas de pénaliser la croissance. Son unique mode d'intervention devient dès lors la monétisation de la dette publique (achats massifs de papiers publics, soit, en d'autres termes, un objectif de taux interbancaires proches de zéro), dont la conséquence directe sera une forte baisse du dollar. Il ne faut pas croire que les seules exportations pourraient venir sauver l'économie américaine, la détérioration des termes de l'échange ayant un impact probablement beaucoup plus préjudiciable sur l'inflation et la consommation...
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