Vers un accord de l'OMC sur l'accès aux médicaments

C'est dans les coulisses du Forum de Davos, et non sous les feux des projecteurs, que se mijotent certaines grandes décisions. Pour preuve, le PDG de Pfizer, Henry McKinnell, vient d'annoncer que l'Organisation mondiale du commerce (OMC) serait "assez proche" d'un accord entre ses 144 membres pour donner aux pays pauvres un accès aux médicaments. "Nous avons parlé entre nous et nous sommes mis d'accord en principe" lors d'une rencontre entre le directeur général de l'OMC, Supachai Panitchpakdi, et des chefs d'entreprises pharmaceutiques, en marge du Forum de Davos dimanche, a déclaré M. McKinnell à l'AFP. "Le problème désormais est de mettre cela par écrit", a-t-il ajouté. Dans quelles conditions un pays non producteur de médicaments et touché par une crise sanitaire grave peut-il déroger au droit des brevets et importer des génériques ? Cette question lancinante est longtemps restée sans réponse. Deux camps s'opposent traditionnellement. D'une part, certains soulignent que 80 % de la population mondiale n'a pas un accès satisfaisant aux médicaments, et que l'écrasante majorité des victimes de pandémies comme le Sida se trouve dans les pays en développement, trop pauvres pour payer des médicaments au prix fort.Selon Onusida, programme commun des Nations Unies, l'épidémie atteindra 68 millions de personnes en 2020. L'écrasante majorité des victimes sera issue des pays pauvres - Inde, Chine et autres pays asiatiques. "Dans certaines régions d'Afrique australe, plus de 40 % des femmes enceintes sont séropositives et les taux de contamination ne cessent de croître", indique Peter Piotr, directeur d'Onusida.D'autre part, il y a ceux - les grands laboratoires pharmaceutiques au premier chef - qui s'inquiètent de la protection de leurs brevets, qui serait remise en cause par un accès trop facile aux génériques. "En Inde, ils piratent tout; sans propriété intellectuelle, la recherche pharmaceutique ne peut se financer et donc disparaîtra", déclare Jean-François Dehecq, PDG de Sanofi-Synthélabo, dans un entretien à La Tribune ce jour (voir ci-contre).Répondre aux grandes urgencesOr il semble qu'on s'achemine peu à peu vers une solution. En novembre 2001, à Doha, les 144 membres de l'Organisation mondiale du commerce avaient rappelé leur attachement à "protéger la santé publique" et à "promouvoir l'accès de tous aux médicaments". Restait à en fixer les modalités. A l'issue de discussions dans les couloirs de Davos, le directeur général de l'OMC a reconnu que des ouvertures pour un compromis étaient perceptibles.L'accord, élaboré par l'OMC, propose d'exempter certains pays du paiement des droits des brevets. Ils pourraient ainsi importer des copies de médicaments brevetés afin de répondre aux grandes urgences de santé publique comme le sida, le paludisme et la tuberculose.Selon le PDG de Pfizer, les groupes pharmaceutiques se rendent compte que, même si cet accord avec l'OMC est "une question énormément symbolique pour le monde en développement, en fait c'est un geste assez modeste en termes de licence". "En fait, cela affecte seulement 300 produits", souligne Henry McKinnell.Reste à convaincre les Etats-Unis, seul membre de l'OMC à avoir refusé de signer le texte de Doha en 2001. Depuis, Washington assouplit peu à peu sa position, quoique les discussions aient à nouveau achoppé en décembre dernier sur le nombre des maladies couvertes. Les Etats-Unis craignent en effet que le dispositif ne soit étendu à des maladies non transmissibles comme le diabète, l'asthme ou l'obésité, ce qui pénaliserait leur industrie pharmaceutique. Accords piloteSi l'accord de l'OMC semble désormais proche, de grand groupes pharmaceutiques l'ont devancé, en annonçant au Forum de Davos leurs propres partenariats pour fournir des traitements anti-sida peu coûteux aux plus démunis. Le groupe américain Pharmacia a annoncé vendredi qu'il accorderait une licence à la fondation néerlandaise International Dispensary Association (IDA) pour qu'elle puisse fournir aux pays en développement une version générique d'un de ses médicaments (Delavirdine, ou Rescriptor aux Etats-Unis) contre le sida. Le britannique GlaxoSmithKline a pour sa part indiqué samedi avoir déjà conclu un accord similaire pour fournir aux pays en développement une version générique de ses médicaments contre le sida. Des nouvelles saluées par l'Organisation mondiale de la Santé: "De telles décisions permettent d'augmenter la concurrence entre compagnies, de réduire les prix et donc d'accroître l'accès des plus pauvres à ces traitements" L'OMS a souligné que le succès de son initiative, lancée l'an dernier avec plus de 50 partenaires pour fournir d'ici 2005 des traitements anti-rétroviraux à au moins 3 millions de personnes porteuses du virus HIV dans les pays à bas ou faibles revenus, dépendait de la baisse des prix de ces traitements.
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