Brevets de logiciels.. et de lobbying

Cet été, La Tribune en avait fait son feuilleton. Il s'intitulait : "Quand les lobbies se mobilisent", ou comment des groupes de pression tentent de faire ou défaire des dossiers en influençant les pouvoirs publics. Inépuisable, le thème vient de s'enrichir d'un chapitre avec l'adoption cette semaine par le Parlement européen du projet de loi sur les brevets aux "inventions mises en oeuvre par ordinateur". En clair : les logiciels.La Commission voulait modifier le régime de protection de la propriété intellectuelle des logiciels. Fini les droits d'auteur qui jusqu'à aujourd'hui protègent dans son ensemble un logiciel ou un programme (Word, Real Audio Player, Gran Turismo, etc.), Bruxelles ouvrait la voie à la possibilité de breveter chaque élément d'un programme, comme les algorithmes ou les protocoles de communication. Avec le soutien actif des grands de l'informatique, américains pour la plupart, qui voyaient là un juste retour sur les investissements colossaux qu'ils consentent en recherche et développement. Mais très vite, face au risque de verrouillage du marché des logiciels par les plus gros acteurs du secteur, la résistance s'est organisée. Pour démontrer que, souvent, l'enfer est pavé des meilleures intentions. Derrière la "juste rémunération" de leurs efforts, les géants de l'informatique - au premier rang desquels Microsoft - ne chercheraient qu'à verrouiller un marché déjà très concentré, en privant les PME qui y survivent - souvent européennes - d'utiliser des éléments immatériels qui entrent dans la fabrication de leurs programmes.Le texte adopté cette semaine témoigne de la virulence d'un affrontement qui a duré de longs mois. Les partisans du logiciel libre ont plusieurs fois laissé entendre que des parlementaires européens et la Commission étaient sous l'influence des industriels en proposant un texte "inutile" que ne réclame pas la communauté des programmeurs. Ils ont mobilisé des économistes qui ont pointé les risques de concentration accrue du secteur, curieusement contraires aux sacro-saints objectifs de concurrence affichés d'ordinaire par Bruxelles. Ils ont fustigé les avocats qui poussaient à l'adoption de la loi parce qu'elle générerait des centaines de procédures en justice pour établir la paternité de plusieurs applications disponibles sur le marché européen.Pour déséquilibré qu'il ait pu sembler au départ, le face à face aboutit à un compromis qui tourne plutôt à l'avantage des adversaires d'une "brevetabilité" extensive, à l'américaine. Le texte initial a été retravaillé pour tenir compte de nombreux amendements et limiter son champ d'application à des innovations à usage industriel direct. Mais le risque est qu'il ne satisfasse en définitive personne et qu'il soit l'objet de nouveaux affrontements à l'occasion de discussions ultérieures devant le conseil des ministres, notamment. Les armes s'aiguisent déjà...
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