Le téléphone mobile, clé de la croissance du jeu vidéo ?

C'est la nouvelle tocade de l'industrie : le jeu sur mobile. Les annonces sont arrivées en rafale ces dernières semaines, avec entre les lignes la perspective d'un brillant avenir pour cette activité. Nokia s'est même porté caution de ce postulat en investissant entre 4 et 500 millions d'euros dans la N-Gage. Une arrivée chargée de symbole...Le concept du téléphone-console de jeu fait son chemin, sous toutes ses formes. Si la N-Gage est une véritable console, des téléphones portables plus classiques servent à jouer. Et les opérateurs misent dorénavant là dessus. Pour preuve, les campagnes de communication de l'I-mode directement axées sur le jeu ou les nouvelles offres de Vodafone Live !, récemment débarqué dans l'Hexagone sur SFR.Reste à savoir quelle bouffée d'air le jeu vidéo sur mobile va donner au secteur du jeu. Le sujet était au coeur des débats des Deuxièmes Rencontres du Jeu Vidéo organisées à Montpellier pour la deuxième année par l'Idate (Institut de l'audiovisuel). Les professionnels martèlent que la demande est là, chiffres à l'appui. "On vend des centaines de milliers de jeux par mois. Depuis le début de l'année, les ventes augmentent de 30% chaque mois", assure Anne-Laure Descleves, chargée de la communication chez Gameloft, détenu à 20% par Ubi Soft. Le téléchargement, en tout cas, est une affaire qui marche. "En Grande Bretagne, les ventes de sonneries ont dépassé celles des singles. En France, 10 millions de jeux java sont téléchargés par mois toutes offres confondues, T-Mobile en annonce 390.000 et mmO2, 500.000", affirme Laurent David, responsable marketing chez Nokia France.Une chose est sûre : le jeu pour mobile profite aux opérateurs dans la mesure où il accroît leur trafic, et donc leurs revenus sur la base d'un forfait négocié avec les éditeurs. Gameloft et son concurrent bordelais In-Fusio admettent conserver entre 60 et 80% des 3 à 6 euros payés par l'utilisateur pour chaque jeu téléchargé sur son mobile. En dépit de forts taux de croissance, le jeu pour mobile reste modeste: pour 2003, Gameloft, coté sur le Nouveau marché, prévoit un chiffre d'affaires de 8 millions d'euros.Pour autant, les contraintes sont là. Première d'entre elle : l'absence de standards des téléphones. "Pour dupliquer un jeu, il faut trois personnes sur un mois. Nous choisissons donc soigneusement les modèles sur lesquels les jeux seront téléchargeables", indique Anne-Laure Desclesves. Sans compter que le jeu pour mobile devrait connaître une vive inflation des coûts. "Développer un jeu pour portable coûte actuellement 100.000 euros, cela coûtera 1 million d'euros dans trois ans", explique Yann Mondon d'In-Fusio.Peu importe. Le taux de pénétration du portable (62% en France) fait rêver les professionnels du jeu. Mieux : le renouvellement du parc va plus vite que celui du PC ou des consoles. "Un mobile, c'est fait pour être cassé au bout de deux ans maximum", affirme Anne-Laure Descleves. Autant d'arguments que les chantres du jeu pour mobiles répètent à l'envie. En dépit des prouesses technologiques des terminaux et de la puissance grandissante des réseaux, le mystère reste entier sur le pouvoir de séduction réel du jeu sur mobile. Est-il destiné au marché de masse? Rien n'est moins sûr. "80%de nos joueurs possèdent une console", indique In-Fusio. Bouleversera-t-il les habitudes ? Pas pour l'instant. "Les études montrent que les gens jouent surtout chez eux. Les plus gros recrutements de joueurs s'effectuent le week-end entre 17 et 22 heures", indique Yann Mondon d'In-Fusio.Une équation à plusieurs inconnues qui laisse l'arrivée de Nokia sur le marché du jeu parfois perplexe. Le constructeur donne très peu d'informations sur l'accueil de la N-Gage lancée début octobre. Il se contente d'annoncer que 400.000 modèles ont été vendus aux distributeurs et se veut particulièrement ambitieux aux yeux des observateurs avec un objectif de 6 à 9 millions de modèles écoulés d'ici la fin 2004. En comparaison, l'indétrônable Nintendo compte vendre 20 millions de Game Boy Advance sur son exercice. Et Nokia ne pourra ignorer l'arrivée l'an prochain de la PSP, la console nomade multi-tâches de Sony.Cette absence de données chiffrées n'empêche pas les critiques envers Nokia. "Que veulent-ils exactement, vendre des jeux ou plus de téléphones?", se demande Christian Bellone, président du Syndicat des Logiciels de Loisirs (SELL). Endossant sa principale casquette, celle de directeur général de TakeTwo Interactive France, l'homme fait partie des méfiants vis-à-vis du jeu sur mobile. "Pourquoi pas, cela peut être complémentaire. Mais on attend de voir ce que cela va donner", indique-t-il aussi. De fait, si la N-Gage de Nokia se détache nettement des terminaux des autres équipementiers en se positionnant avant tout comme une véritable console, ce choix n'est pas sans poser de problème. De distribution notamment. "La démarche du consommateur de jeu n'est pas de se rendre au rayon téléphonie", admet Laurent David de Nokia. Quant au jeu en ligne sur mobile, il pourrait rester réservé à quelques initiés, même si Nokia a ouvert sur le Web N-Gage Arena, un site communautaire au service des détenteurs de consoles N-Gage, qui offre entre autres de l'aide ou des jeux en ligne. Un temps considéré comme le futur du jeu sur PC ou sur console, ce segment du jeu n'a pas vraiment décollé. "A part en Corée, il a plafonné partout", indique Laurent Michaud de l'Idate. En tout cas, sur le marché émergent des jeux pour mobile, tout reste à faire. Même chez Nokia, on l'admet. "C'est une course de fond", avoue Laurent David.
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