"Air France a fait un bon calcul à long terme"

latribune.fr- Les 784 millions d'euros que va payer Air France pour mettre la main sur KLM vous semblent-ils raisonnables ?Didier Orand- Il n'y a pas d'historique de transactions de cette importance dans le secteur pour établir une comparaison. Il est donc difficile de porter un jugement sur le prix. Ceci étant, KLM est une compagnie qui perd de l'argent et qui est très endettée. Le montant versé par Air France ne peut donc se justifier que par l'acquisition de parts de marché. Or, avec une prime de 84% par rapport au cours moyen des six derniers mois, ces parts de marché coûtent cher à Air France dans l'immédiat.Les synergies avancées par le groupe (de 385 à 495 millions sur l'opérationnel d'ici à 5 ans) sont-elles réalisables ?La encore, je manque d'éléments pour établir des scénarios chiffrés. Je suis donc obligé de faire confiance au groupe. Tout ce que l'on peut avancer avec certitude, c'est qu'il y a un véritable intérêt stratégique à long terme.Le nouveau groupe n'aura que 49% des droits de vote de KLM pendant trois ans. Le fait de ne pas contrôler KLM d'ici là ne risque-t-il tout de même pas de poser un problème ?A mon sens, le but de la manoeuvre est que les intérêts néerlandais (dont l'Etat) conservent une "golden share". Il s'agit simplement d'un garde-fou destiné à éviter tout dérapage. Autrement, je ne pense pas que l'Etat néerlandais ait l'intention de s'immiscer dans la gestion du groupe.Dans ces conditions, une simple alliance commerciale dans Skyteam n'aurait-elle pas été aussi efficace ?La fusion va permettre au groupe de coordonner les réseaux tout en conservant les deux marques et en mettant en place une certaine spécialisation de chaque compagnie. Cela n'aurait pas été possible avec une unique entente commerciale.Reste également le problème de la dette. Air France pourra-t-il faire face au surplus de dette engendré par l'arrivée de KLM ?Avec son taux d'endettement sur fonds propres (gearing) de 195%, l'intégration de KLM va se faire ressentir. Le gearing du nouveau groupe va atteindre 121%, contre seulement 72% pour Air France. La réduction de l'endettement suppose le redressement de KLM. Qui plus est, cette diminution du gearing va être freinée par le renouvellement nécessaire de la flotte de KLM. Ce sera donc long. Mais n'oublions pas que nous sommes aujourd'hui dans un bas de cycle. La capacité de rebond de la rentabilité est forte et Air France devrait pouvoir digérer KLM.N'est-ce quand même pas un pari sur l'avenir un peu risqué? C'est une stratégie audacieuse de la part d'Air France et KLM a certainement bien négocié. Mais, sur le fond, Air France a fait un bon calcul à long terme. Les réseaux sont complémentaires et la compagnie va progresser au classement des transporteurs. En outre, l'aérien est paradoxalement un secteur très concurrentiel mais déjà fortement concentré. En conséquence, Air France n'avait que peu d'opportunités en matière de croissance externe.Au global, vous semblez plutôt confiant. Pourtant votre recommandation reste prudente. Pour quelles raisons ?D'abord, j'attends la signature définitive de l'accord et l'aval de la Commission européenne (qui à mon sens ne devrait pas faire obstacle) avant de réévaluer le dossier. Ensuite, je reste convaincu que les marchés vont pour l'instant privilégier une vision à court terme (comme c'est le cas dans les périodes d'incertitudes économiques). Dans un premier temps, les investisseurs pourraient donc s'attarder sur le prix payé et l'endettement induit plutôt que sur le potentiel à long terme. La baisse de plus de 4% du titre Air France le jour où a été annoncé l'accord en est une preuve.
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