"Le marché ne se focalise pas sur le risque terroriste"

latribune.fr : Comment les marchés réagissent-ils typiquement au risque terroriste? René Defossez : En cas d'attentat ou d'élévation brusque du risque, on constate d'abord que les actifs risqués sont délaissés. C'est ce que les Anglo-saxons appellent le "flight to quality". Les investisseurs privilégient les "placements sûrs" au détriment des actions, considérées comme trop risquées dans un environnement géopolitique dégradé. Ainsi, alors que les obligations souveraines, notamment américaines, sont particulièrement recherchées, que l'or flambe et que le rendement des obligations corporate baisse, les marchés actions reculent fortement. Economiquement, ces comportements peuvent se justifier par l'impact possible du risque terroriste sur la croissance potentielle, réduite par les efforts de défense et de sécurité.Y a-t-il d'autres réactions typiques?Oui, notamment sur le marché des changes. On remarque en effet une forte appréciation du franc suisse en raison de la tendance à placer des fonds dans la Confédération. Après le 11 septembre 2001, la monnaie helvétique a ainsi fortement progressé, y compris face à l'euro. Enfin, la courbe des taux a tendance à se pentifier, dans la mesure où l'on anticipe à court terme une politique monétaire souple pour soutenir l'activité. Ces phénomènes anticipent-ils le risque ou sont-elles de simples "réponses" à des faits particuliers? Les phénomènes décrits plus hauts sont avant tout des mouvements spontanés. Nous avons regardé s'il existe une corrélation entre l'augmentation des primes d'assurances ou l'évolution du système d'alerte terroriste américain et le "flight to quality". La conclusion est catégorique : il n'existe pas de corrélation, notamment parce qu'il est très difficile, pour les assureurs, de "modéliser" ce risque, et que les changements dans les niveaux d'alerte se font souvent a posteriori. En revanche, des actes isolés ou des menaces précises (comme des attentats déjoués ou des rumeurs) peuvent ponctuellement provoquer un phénomène de reflux vers les valeurs refuge. N'y a-t-il pas aujourd'hui sur les marchés des "constantes" liées au risque terroriste? Certains phénomènes s'expliquent en partie par ce risque. A commencer par le niveau général des taux. Les taux longs américains sont aujourd'hui encore relativement bas (aux alentours de 4,40%), notamment si on les compare au niveau d'avant la crise du marché actions des années 2000 (6,5% environ). Car si chacun parle de la reprise, cette dernière ne se traduit pas par une remontée brutale des taux souverains. Le phénomène de pentification reste important : l'écart entre le taux américain à 2 ans et celui à 10 ans atteint 230 points de base. C'est encore beaucoup pour une période de reprise. A mon sens, le risque terroriste permanent, sans en être l'explication essentielle, justifie en partie ce phénomène. En est-il de même de la volatilité sur les marchés actions ?Oui. La volatilité implicite est en effet une mesure de l'incertitude. Si l'on ajoute un facteur d'incertitude supplémentaire et constant comme le risque terroriste, on porte mécaniquement la volatilité à des niveaux élevés. C'est d'ailleurs le cas sur la plupart des marchés. Y a-t-il néanmoins une "décote" terroriste sur les marchés ? Le marché ne price pas de manière exagérée un risque terroriste permanent. On est plutôt dans une logique de réaction (à un attentat, une rumeur) qui provoque des phénomènes d'aller-retours occasionnels. On ne vit pas dans un monde de terreur permanente et les questions essentielles aujourd'hui portent plutôt sur l'évolution de la politique monétaire américaine et sur la pérennité de la reprise de l'économie américaine.
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