Des conséquences économiques de la guerre

Cela ne signifie pas pour autant qu'elles sont dépourvues de sens ou d'intérêt. Se fondant sur le précepte de Keynes selon lequel "mieux vaut avoir vaguement raison que précisément tort," William D. Nordhaus, un professeur d'économie à Yale, a ainsi produit l'un des écrits récents les plus éclairants sur le sujet (lire ci-contre). Le premier constat est que les coûts de la guerre sont historiquement largement sous-estimés. Aux Etats-Unis, la guerre de Sécession a coûté treize fois son estimation initiale au Nord, la guerre du Vietnam 90% de plus que prévu, etc... Le deuxième est que les répercussions macroéconomiques ne sont en général pas prévues, pas même par les esprits les plus brillants. Dans ses "Conséquences économiques de la paix", Keynes n'a vu venir ni l'imminente et dramatique inflation allemande, ni la grande dépression entamée à la fin des années 20.Néamoins, poursuit Nordhaus, de telles évaluations sont possibles. Il aboutit lui même à un coût de 99 milliards de dollars sur la décennie 2003-2012, en cumulant dépenses militaires, diplomatiques et de reconstruction de pays. C'est un peu moins de 1% du PIB des Etats-Unis. A lui seul, observe l'économiste, l'Irak est susceptible de couvrir l'intégralité des besoins en pétrole des Etats-Unis pendant un siècle. (Dans un entretien au Wall Street Journal, le 15 septembre 2002, Larry Lindsey, conseiller économique du président Bush, avait estimé que la facture pouvait grimper jusqu'à 200 milliards de dollars - une candeur qui, dit-on, allait contribuer à lui faire perdre son poste quelques semaines plus tard).Mais il s'agit là du scénario optimiste. Dans l'hypothèse où la guerre dure, l'Irak doit être occupé longuement, son infrastructure pétrolière est anéantie et le monde musulman se mobilise contre l'Amérique, la calculette du professeur Nordhaus produit une addition de... 1.900 milliards de dollars. Sans compter l'impact du désastre sur le reste de l'économie mondiale. Palpable, la nervosité des marchés financiers et du marché du pétrole en particulier n'intègre pour l'instant que très modestement des risques de cette ampleur. Si elle venait à les prendre au sérieux, l'intervention militaire en Irak pourrait être précédée par un brutal décrochage des cours (entre l'invasion du Koweit en août 1990 et le début des frappes occidentales en janvier 1991, les marchés européens ont abandonné environ 20%).En privé, de grands patrons français confient volontiers qu'ils ont hâte d'en finir. Ils n'envisagent pas un instant que la France, le moment venu, puisse s'opposer au dessein américain par un veto au Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Ils attendent que la guerre soit finie pour que la reprise arrive. Un tel discours n'est pas seulement cynique. Il invite, aussi, les gouvernements occidentaux à jouer aux apprentis sorciers.
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