L'industrie du disque condamnée à innover

A priori, les chiffres sont parlants et ils ont récemment fait couler beaucoup d'encre. Sur les six premiers mois de 2002, les ventes mondiales de disques ont chuté de 9,2 % en valeur et de 11,2 % en volume. En 2001 déjà, ces ventes avaient reculé respectivement de 5 et 6,5 %. Et à entendre les grands industriels du secteur (Warner, Universal, EMI, BMG, Sony), la piraterie expliquerait en grande partie cette contraction du marché "légal". Ce dernier en voit en effet prospérer un autre, fait de copies illégales bon marché et de fichiers disponibles gratuitement sur la Toile. La diffusion du haut débit dans les foyers des pays développés a grandement contribué à populariser les services d'échanges de fichiers "peer to peer". Pourtant, s'il est indéniable que le développement de ces services (Kazaa, Morpheus, eDonkey, etc.) combiné au succès des graveurs de CD pousse les consommateurs à acheter moins de disques, c'est tout de même oublier deux réalités. Premièrement, l'érosion du marché mondial a commencé en 1997 et elle est plutôt liée à une offre artistique jugée de plus en plus pauvre. Deuxièmement, les "majors" ont regardé passer les innovations technologiques, incapables d'anticiper suffisamment tôt la dématérialisation des supports (CD, K7), ni de prendre conscience que la numérisation menaçait leur rente de situation. Pour comprendre la crise du disque et y apporter des solutions, les "majors" auraient été bien inspirées d'écouter plus tôt leurs clients. Ceux-ci le disent depuis longtemps : 20 euros pour un disque, cela reste cher. C'est d'autant plus onéreux que les productions de qualité avec une dizaine de titres écoutables de bout en bout sont de plus en plus rares. Le succès de la piraterie sur Internet tient notamment à cette possibilité de ne télécharger que les chansons qui "marchent" et qui plaisent. Elle fait en cela écho au matraquage des radios et des télévisions qui ne médiatisent que quelques artistes et pour seulement un ou deux succès. Les majors avaient promis il y a déjà fort longtemps des services de compilation à la demande pour répondre à cette attente du public. La technologie de pressage de CD dans les lieux de distribution est disponible depuis le début des années 90. Mais tout cela supposait de faire évoluer le modèle économique du secteur. Trop risqué pour les industriels. Seulement voilà, Internet et les progrès de l'informatique ont fini par rendre tout cela accessible depuis chez soi. Aujourd'hui, alors que l'industrie du disque s'apprête à poursuivre les internautes qui usent et abusent du téléchargement gratuit de fichiers musicaux, il est utile de mesurer l'audience (faible) et la qualité (pauvre) des canaux légaux de distribution de musique en ligne. Les catalogues ne sont que partiellement disponibles et les plates-formes peu conviviales. Elles ne donnent guère pour l'heure l'envie de débourser. Or, en donner au client pour son argent résume toute la problématique actuelle du secteur. D'autant que Kazaa et ses émules lui ont donné le pouvoir d'aller voir ailleurs. Ecouter le public donc. Mais aussi les artistes. Peter Gabriel, rock star et producteur, mettait récemment le doigt où cela fait mal. Selon lui, le disque n'est pas mort, mais il est à repenser dans son contenu et son conditionnement. La technologie permet aujourd'hui d'en faire un support de créations audiovisuelles qui dépassent la musique. Ainsi, pense-t-il, il pourra encore valoir 20 euros.
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