"Un conflit long pourrait menacer de faillite des majors du secteur aérien"

latribune.fr- Quelle est l'ampleur de la menace que fait peser la guerre en Irak sur les compagnies aériennes?Yan Derocles- Le recul du trafic est de l'ordre de 10 à 15% sur les lignes transatlantiques et encore plus significatif sur d'autres destinations. British Airways (16% du marché sur l'Atlantique Nord) et son partenaire American Airlines (8%) sont parmi les plus pénalisés, tout comme la Lufthansa liée à United Airlines et US Airways, actuellement en faillite. Dans l'ensemble, les compagnies sont aussi affectées par la mise en place de politiques tarifaires particulièrement agressives. Toutefois, les conséquences ne sont pas encore dramatiques et, le conflit étant programmé depuis plusieurs mois, les compagnies ont eu la possibilité de prévoir des mesures d'adaptation (annonce récente de British Airways). Un conflit d'un mois ou un mois et demi, sans contagion à d'autres zones géographiques, ne devrait donc pas entraîner trop de perturbations. En revanche, au-delà, la situation pourrait devenir plus problématique pour l'ensemble de l'industrie.Dans ce cas, existerait-il un risque de faillite pour certains groupes ?Un conflit long créerait bien entendu des problèmes des deux côtés de l'Atlantique et pourrait également accélérer la restructuration du secteur. Les groupes les plus exposés sont ceux qui étaient déjà fragilisés avant le conflit. Ce sont notamment des compagnies comme Swiss, Finnair ou Alitalia. Dans un deuxième temps, un conflit long pourrait aussi menacer des "majors". Je pense à KLM et British Airways en raison de leur exposition aux destinations les plus touchées et à leur structure financière fragile. Le ratio d'endettement ajusté du Britannique est par exemple de 325%.Cette recomposition du secteur prendra-t-elle la forme de fusions ou d'alliances stratégiques ?Les fusions s'avèrent particulièrement complexes à mettre en oeuvre dans ce secteur. D'une part parce qu'au niveau législatif nous n'en sommes qu'au stade de la dérégulation et pas encore véritablement à la libéralisation. La vision de la compagnie nationale porte-drapeau est toujours vive. Il pourrait y avoir du nouveau d'ici mai-juin avec une prise en main du dossier par la Commission Européenne. Par ailleurs, l'aspect social serait une autre source de blocage pour les fusions. Il existe trop de différences de statuts entre les pays et les compagnies. Les candidats à la fusion devraient s'engager dans des discussions complexes et compter sur une harmonisation des règles. Le renforcement des alliances (de type Skyteam pour Air France) paraît plus réaliste. En tout cas, il est certain que des transporteurs comme Swiss ou Austrian Airlines ne peuvent plus vivre seuls.Dans le contexte actuel, les low-cost vont-ils pouvoir continuer à afficher des résultats presque insolents ?Ils seront inévitablement touchés par le ralentissement économique. Mais comparées à celles des compagnies traditionnelles, leurs performances resteront prodigieuses. Déjà lors de la crise du 11 septembre, ils étaient parvenus à maintenir une hausse de 30 à 35% de leur trafic en volume. Leurs tarifs diminuent de 6 à 8% mais les perturbations actuelles se traduisent pour eux par des gains durable de parts de marché. Ils ont une structure de coûts et une trésorerie qui permet une grande réactivité, à la différence des compagnies "majors".La guerre en Irak ne risque-t-elle pas de perturber le processus de privatisation d'Air France ?Le gouvernement a répété que l'opération n'aurait lieu qu'au moment où les conditions de marché le permettront. En cas de conflit court, Air France pourrait même en sortir renforcé. La disparition momentanée d'un concurrent sur son réseau domestique est en effet un coup de pouce appréciable dans un contexte difficile.
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