Les banques japonaises au fond du trou

Elles symbolisent à elles seules toutes les difficultés dont l'économie japonaise ne parvient pas à s'extirper: les banques nippones sont dans une situation toujours catastrophique. Les résultats qu'elles ont publié ce matin pour leur exercice annuel achevé à fin mars témoignent une fois de plus que, coincées entre un afflux de créances douteuses et une insuffisance criante de fonds propres, elles sont encore loin d'avoir assaini leur situation. Au point d'ailleurs que le gouvernement japonais a dû intervenir ces derniers jours pour renflouer le cinquième établissement du pays, au bord du dépôt de bilan... La brassée de résultats annoncés ce matin fait apparaître des situations plus ou moins dégradées. Le chiffre le plus spectaculaire est bien sûr celui de Mizuho, la plus grosse banque du monde en termes d'actifs, qui affiche la perte la plus élevée jamais enregistrée par un groupe japonais: 2.377 milliards de yens (17,2 milliards d'euros). Cette perte colossale, qui représente plus du double de celle de l'exercice précédent, résulte notamment du passage de provisions de crédits à hauteur de 2.050 milliards de yens.Au deuxième rang, SMFG a perdu pour sa part 465,4 milliards de yens (3,37 milliards d'euros) sur l'exercice. Anciennement connu sous le nom de Sumitomo Mitsui Banking Corporation, le groupe n'a été créé qu'en décembre dernier et ne donne donc pas de comparaisons pour ses résultats. Mais il attribue les pertes à "la détérioration de notre portefeuille d'actions provoquée par la chute du marché boursier et à l'élimination de nos mauvaises créances".Le groupe UFJ, de son côté, a pu afficher une amélioration toute relative avec une perte nette de 608,9 milliards de yens (4,4 milliards d'euros) sur son exercice à fin mars, contre 1.227 milliards un an plus tôt. UFJ a inscrit dans ses comptes des charges de 820,4 milliards de yens pour mauvaises créances, contre 1.938 milliards l'année précédente. Les pertes pour dépréciation de portefeuille d'actions ont augmenté de 395,2 milliards de yens à 617,7 milliards de yens. Dans le cas de Mitsubishi Tokyo Financial Group (MTFG), les pertes se sont alourdies d'une année sur l'autre, s'établissant à 161,5 milliards de yens (1,17 milliard d'euros), en hausse de 6% par rapport à l'exercice précédent. Du coup, la banque a annoncé un plan de restructuration comportant 2.100 à 2.600 suppressions d'emplois d'ici fin mars 2005 et la fermeture de 50 succursales.Le cas le plus désastreux est celui du cinquième groupe bancaire du Japon, Resona, qui a perdu pour son exercice à fin mars 837,6 milliards de yens, soit 6,06 milliards d'euros. Née en 2002 de la fusion de Daiwa Bank et Asahi Bank, cette banque régionale a frôlé l'effondrement ces derniers mois. A fin mars, son ratio de solvabilité est en effet tombé à 3,78%, soit en dessous du minimum légal de 4% exigé des établissements dont l'activité est purement domestique. Si bien que la banque vient d'être renflouée par les pouvoirs publics, en une quasi-nationalisation (lire ci-contre).A l'inverse, un établissement comme la Shinsei Bank, qui est la seule banque japonaise de taille notable à être contrôlée par des capitaux étrangers, réussit à afficher un bénéfice. Pour l'exercice écoulé, celui-ci a certes reculé de 13,4%, à 53,03 milliards de yens (384 millions d'euros). Mais c'est la troisième année de suite que la banque engrange des profits, montrant qu'il est possible d'être banquier au Japon et de gagner de l'argent...La dégradation de la situation du système bancaire japonais reflète tout naturellement celle de l'économie. Au fil des longues années de récession ou de croissance molle qui affectent celle-ci, les banques ont accumulé des pertes colossales sur leurs portefeuilles boursiers, tandis que leurs encours de crédits se dégradaient de façon accélérée. La tendance très japonaise consistant à maintenir indéfiniment en vie les entreprises en quasi-faillite n'a fait qu'empirer les choses.Au point qu'aujourd'hui, les banques se battent pour éviter de voir leurs ratios de solvabilité tomber en dessous du plancher minimum - sans toujours y réussir, comme l'a montré le cas de Resona. La détérioration des fonds propres des banques est telle, en fait, qu'une bonne partie de ces derniers est désormais constituée par les crédits d'impôts détenus sur leurs pertes des exercices précédents. Mais ces crédits d'impôts ne peuvent se matérialiser que le jour où les banques engrangent des bénéfices - ce qui n'est pas pour demain et rend ces "fonds propres" plutôt virtuels... Alors que l'économie japonaise ne parvient toujours pas à sortir de plus de dix années de crise, la situation des banques est généralement considérée comme un facteur aggravant de la situation. Dans l'état où elles sont, elles ne financent plus les entreprises, contrariant ainsi les velléités de reprise de ces dernières. La nécessité d'une réforme en profondeur du système bancaire est proclamée depuis des années mais, en dépit de nombreuses tentatives, n'a jamais été menée à bien, tant le conservatisme des milieux financiers, dans les banques et l'administration, freine les initiatives en la matière.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.