Le CD-ROM culturel cherche à traverser la crise

"On a envie d'avoir des projets, d'exercer notre valeur ajoutée et notre savoir faire": le dynamisme de Denis Meimoun, directeur marketing de Mindscape, est largement partagé par ses collègues éditeurs de CD-ROM culturels. Que ce soit dans le domaine de l'encyclopédie, toujours vivace, où quatre géants rivalisent d'innovations (Larousse, Hachette, Universalis, Encarta), ou dans ceux de l'histoire, des sciences ou de l'art au sens large, des produits de grande qualité ne cessent d'ouvrir les champs du savoir.Reste que les projets sont soumis à rude épreuve, dans un contexte économique difficile et en pleine mutation du secteur. Concrètement, le marché est marqué cette année par une décroissante de 10% en valeur absolue pour un chiffre d'affaires global prix public TTC de près de 20 millions d'euros. Certains éditeurs s'estiment ainsi pris en tenailles entre les investissements de plus en plus lourds indispensables pour que leur offre demeure compétitive et les exigences toujours plus coûteuses des distributeurs. Le marché marque le pas en termes de nouveautés. Les éditeurs constatent la disparition des effets de mode, tandis que la valeur d'usage est désormais jugée en fonction de l'utilité réelle. En période de morosité économique, les ménages doivent en outre arbitrer leurs achats avec d'autres produits high-tech (consoles, écrans plats, Internet ADSL, etc...). Et les distributeurs contribuent à alimenter la spirale baissière en appliquant au CD-ROM culturel, par nature plus durable, les conditions drastiques imposées au jeu vidéo : course à l'investissement et à la nouveauté, rotation accélérée des stocks, packaging standardisé... Travailler l'offre Certains éditeurs refusent cependant de brosser un tableau trop noir de la situation. "La décroissance tant stigmatisée du marché ne signifie pas la désaffection du public. Le désengagement ponctuel de grands éditeurs comme Vivendi et la concentration des acteurs - il n'en reste plus qu'une dizaine contre près de 80 il y a cinq ans - pèsent directement sur l'offre", affirme ainsi Loïk Amis, responsable marketing Multimédia et Internet de Larousse. "Les Français n'ont pas renoncé à se cultiver. A nous de travailler l'offre", insistent en choeur tous les éditeurs, convaincus viscéralement que ce marché reste porté par celle-ci. "On peut s'étonner que le soutien annoncé cet été au jeu vidéo français n'incluait pas les CD-ROM culturels, aux fonctions, disons par euphémisme, plus pédagogiques", relève Yannick de Hee, directeur marketing de Nouveau Monde Edition, co-éditeur avec Fayard du succès mérité 'Le Moyen Age en Lumière' (voir notre sélection). Dans l'immédiat, chaque éditeur, selon ses moyens et ses spécificités, resserre sa stratégie autour de trois axes : la prise en compte de la demande, l'effort sur le contenu et le défrichage de nouveaux modes de distribution. Pour relancer la demande, tous les éditeurs privilégient d'abord et toujours la valorisation du contenu. Et de balayer quelques idées reçues. L'exhaustivité et la qualité éditoriale des CD-ROM culturels constituent une vraie alternative au tout Internet. "L'accès à Internet n'a pas supprimé l'intérêt pour des bases de données d'informations fiables et contrôlées", insiste Loïk Amis (Larousse). "Les utilisateurs n'y trouvent pas tout. Il n'est pas facile d'identifier le bon contenu, d'être sûr de sa qualité et surtout de son exactitude", confirme Denis Meimoun (Mindscape), "nos produits éditoriaux offrent ces garanties". Même si, bien sûr, tous les éditeurs tirent parti du Net en proposant des liens qualifiés. Exhaustivité, exclusivitéDans tous les domaines du savoir, ce qui fait la différence, c'est l'exhaustivité et l'exclusivité du contenu. Le succès du "Moyen-âge en lumière", base de données et d'analyses de plus de 1.000 images de miniatures médiévales vendue à 5.000 exemplaires depuis son lancement cette année, en constitue la preuve. Pour Yannick de Hee (Nouveau monde), ce succès tient à un faisceau de conditions : un contenu inédit utile aussi bien pour les universitaires que pour les amateurs, un lancement simultané multimédia avec des déclinaisons sur papier et un site Internet promotionnel, l'appui de partenaires (ministère de la Culture, CNRS...) pour assurer la visibilité du produit. Enfin, une stratégie de niche en termes de diffusion: deux tiers de ventes chez les commerçants et un tiers en direct, grâce à une sensibilisation auprès des magazines d'histoire et d'art spécialisés. En multipliant les partenariats tous azimuts, à la fois éditoriaux et commerciaux, les éditeurs sont convaincus qu'ils vont desserrer l'étau économique. Mindscape, ne disposant pas de fonds papier comme ceux de Larousse ou Hachette, mutualise de nombreux fonds éditoriaux : ceux de TV5 pour des films documentaires sur "L'Egypte", du Seuil pour "Cosmos et secrets de l'univers", l'iconographie du magazine Géo pour "Terre merveilleuse" ou encore la Réunion des Musées Nationaux (RMN), fidèle partenaire non exclusif. Une fois la base de données constituée, chaque partenaire contribue par des opérations promotionnelles à diffuser les produits auprès de ses téléspectateurs, visiteurs ou lecteurs.Jouer le long termeReste à convaincre les distributeurs. Jacques Guégan, directeur général de Emme, ne stigmatise pas ces derniers, au contraire. "Personne n'a intérêt à se couper d'un fonds de vente quasi garanti. Mais chaque année, il faut faire un travail de conviction, affirme-t-il. Démontrer, chiffres à l'appui, ce que chaque enseigne gagne concrètement avec nos produits. Alors que souvent, ils ont une vision assez défaitiste du CD-ROM culturel". Impossible de convaincre sans un travail de visibilité sur les lieux de ventes, grâce à des packagings renforçant un effet de collection et des nouveautés d'appel. Mindscape présente ainsi toute sa gamme dans des boîtiers au design identique, très structurés. Pour les éditeurs, il s'agit bien de valoriser la marque sur le long terme. Tous partagent cette conviction : "la rationalisation du marché et de l'offre joue en faveur des marques pérennes et fortifie la demande", confie Loïk Amis (Larousse). "C'est la qualité éditoriale qui permet la constitution de produits de référence incontournables, complète Annick de Hee (Nouveau Monde). Les champs de savoir sont inépuisables. Pour peu que l'on prenne garde aux réalités économiques, à la qualité du fonds à disposition et à la multiplication de canaux de diffusion, des places clé sont à prendre pour l'avenir".Olivier OlganVoir ci-contre notre sélection de CD-ROM
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