Drôle de sortie

Appelé à l'automne 1993 pour sauver le Crédit Lyonnais, Jean Peyrelevade n'imaginait sans doute pas que dix ans plus tard il quitterait la banque par la petite porte. C'est en effet à la demande de René Carron ,l'homme fort du Crédit Agricole, qu'il a annoncé sa démission début septembre. Outre les conditions financières de ce départ, Jean Peyrelevade en avait aussi négocié la date, à savoir au lendemain de la signature définitive de l'accord sur l'affaire Executive Life. Or, coup de théâtre, alors que les discussions se poursuivent encore entre la France et les Etats-Unis, le président du Lyonnais s'efface... Officiellement, sa décision s'explique par sa volonté de ne pas compromettre l'accord franco-américain de 585 millions de dollars et par son souhait d'assurer sa défense en homme libre. Plus concrètement, ce sont des révélations de The Economist, décidément bien informé du côté de Los Angeles, qui précipitent la sortie de Jean Peyrelevade. Etait-il au courant des dessous de la reprise de la compagnie d'assurance californienne ? A-t-il menti aux autorités américaines et à la Réserve Fédérale ? Outre-Atlantique, on est de plus en plus enclin à le penser. Du coup, Jean Peyrelevade n'a eu d'autre choix que de s'effacer, dans l'espoir que, redevenu simple citoyen, son cas n'ait plus tant d'importance qu'il faille le dissocier de l'accord du 2 septembre.D'aucuns ne manqueront pas d'observer que les conditions de ce départ, peu glorieuses, sont injustes. Jean Peyrelevade n'a pas manqué d'énergie et de détermination lorsque le sort de la banque au lion vacillait. Son redressement lui doit beaucoup. Mais d'autres pourront toujours s'interroger sur la pertinence des choix effectués lorsqu'il s'est agi de traiter le dossier Executive Life. Sans entrer dans la polémique qui consiste à savoir si le président du Lyonnais avait ou non conscience du problème et de sa gravité avant décembre 1998, force est de constater que la banque a bien trop tardé à prendre la mesure du danger. Persuadée que le risque ne pesait plus sur elle mais sur le CDR, structure de défaisance qui a hérité des actifs "pourris" de l'ancienne banque publique, la direction du Lyonnais a, à tort, trop longtemps considéré qu'elle était à l'abri. Un erreur d'appréciation que Jean Peyrelevade paie peut-être aujourd'hui au prix fort.
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