France Télécom, roi du timing

Derrière les beaux discours se cachent souvent des intentions inavouables. En début de semaine, Thierry Breton, le président de France Télécom, a annoncé que l'opérateur allait accélérer le déploiement de l'Internet à haut débit ADSL afin que 90 % de la population française soit en mesure d'y accéder d'ici à 2005. Pour une entreprise que l'on dit plus que jamais près de ses sous, l'annonce d'un investissement de 600 millions d'euros pour y parvenir servait d'abord la volonté de Thierry Breton de refaire de France Télécom une entreprise comme les autres, après ses graves déboires financiers. Intarissable sur ses nouvelles ambitions - rattraper l'Allemagne en termes de couverture à haut débit, mettre au point des couplages de technologies avec le wi-fi et le satellite quand l'ADSL ne convient pas -, Thierry Breton n'a pour autant pas tout dit de ses motivations. Et pour cause... Un tel volontarisme pour mettre le réseau au niveau répond aussi à une réelle préoccupation de l'état-major de l'opérateur. L'engouement des Français pour le haut débit ces deniers mois est spectaculaire. Mais, comme n'ont cessé de se plaindre les élus locaux, la diffusion des nouvelles technologies reste encore très inégale et cela laisse se creuser une inégalité entre différents points du territoire. Pour combattre cette fracture numérique, alors que les opérateurs sont essentiellement soucieux de leur rentabilité, les collectivités locales ont fait pression et ont obtenu que la loi les autorise à construire leur propre infrastructure à haut débit, dès lors qu'il y a carence des initiatives privées. Le vote définitif du texte permettant aux collectivités locales d'être opérateur doit intervenir dans les prochaines semaines. Ainsi donc, avec son plan volontariste, France Télécom donne aussi l'impression de vouloir couper l'herbe sous les pieds des collectivités qui avaient fini par se résoudre à dépenser beaucoup et directement pour amener des technologies essentielles aujourd'hui au développement économique. Bien sûr, Thierry Breton a assuré qu'il allait travailler en collaboration avec les départements, les régions et les regroupements d'agglomérations. Mais dès lors que France Télécom assure qu'il équipera des centraux ruraux en ADSL dès que 100 demandes seront faites dans une zone donnée, c'est toute la mise en oeuvre par les collectivités locales des procédures de carence des opérateurs du secteur marchand qui va connaître un surcroît de complexité. France Télécom paraît se souvenir bien tard de sa vocation - aujourd'hui bien lointaine - de moteur public favorisant l'aménagement équilibré du territoire. Mais s'il agit ainsi seulement aujourd'hui, c'est parce qu'il a mesuré le danger que représentaient à terme pour ses parts de marché les nouveaux pouvoirs des collectivités locales en matière de réseaux de télécommunications. L'un des avantages de l'approche de FT est d'éviter la duplication d'infrastructures dans des zones qui n'en ont pas pour autant besoin. Pour le reste, il faudra cependant juger à l'usage entre les promesses et la réalité de la réduction de la fracture numérique. Sans oublier qu'être potentiellement raccordable ne veut pas forcément dire pouvoir s'offrir un accès illico...
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