Deuxième vague de bombardements sur l'Irak

Les signes annonciateurs d'un regain des hostilités se multipliaient, jeudi soir, au terme de la première journée de la guerre lancée par les Etats-Unis et leurs alliés contre l'Irak. Alors que les quelques bombardements effectués dans la nuit de mercredi à jeudi avaient été suivis de longues heures de calme relatif, de nouveaux bombardements commençaient, jeudi soir, sur la capitale irakienne.En fin de journée, les signes de la montée de la tension se sont multipliés. A la frontière entre le Koweït et l'Irak, l'artillerie lourde américaine a ouvert le feu contre les positions irakiennes, tandis que des affrontements entre soldats koweïtiens et irakiens étaient signalés à la frontière. C'est également près de cette frontière que quelques puits de pétrole irakiens ont, semble-t-il, été incendiés dans le courant de la journée. Une rumeur qui a suscité un regain de tension sur les cours du pétrole.Tout laisse à penser, en fait, que les forces américaines s'apprêtaient jeudi soir à lancer une offensive à beaucoup plus grande échelle que celle de la nuit précédente. Ainsi, en Angleterre, des bombes ont été chargées à bord de bombardiers stratégiques B-52 déployés sur la base de Fairford. C'est de là que pourraient être menés des raids de bombardements "lourds" sur l'Irak, par ces appareils à très long rayon d'action. Le ministre britannique de la Défense, Geoff Hoon, a d'ailleurs affirmé dans la journée qu'il ne faudrait pas attendre "très longtemps" pour voir le début d'une offensive de grande ampleur. La guerre, baptisée "Opération liberté de l'Irak", pourrait donc entrer très vite dans une nouvelle phase, après son déclenchement effectué jeudi matin, 1h30 seulement après la fin de l'ultimatum lancé par les Etats-Unis à Saddam Hussein. Plusieurs séries de raids et de bombardements se sont abattus sur Bagdad dans la nuit, se succédant d'heure en heure. Le centre de la ville a été épargné, les objectifs visés se situant plutôt au sud et au sud-est de la capitale. Selon un haut responsable américain de la Défense, ces frappes "opportunistes" visaient de hauts dirigeants irakiens. "Il y avait plusieurs responsables qui étaient visés", a précisé ce militaire américain, "des informations nous ont indiqué qu'il y avait plusieurs éléments de la direction (irakienne) en plusieurs endroits, et que nous pourrions les frapper avec succès". D'après le Comité international de la Croix Rouge, ces bombardements auraient fait un mort et quatorze blessés.Interventions télévisées de Bush et SaddamDès le début des opérations, le président américain George W. Bush est intervenu à la télévision pour annoncer que "en ce moment, les forces américaines et de la coalition sont dans les premières étapes d'opérations militaires pour désarmer l'Irak". "La seule façon de gagner le conflit est d'utiliser une force décisive", a affirmé George Bush, selon qui Saddam Hussein a placé des troupes et du matériel militaire dans des zones civiles afin de se servir de la population comme de boucliers humains. En tout début de matinée, le dictateur irakien lui a répondu en s'exprimant lui aussi à la télévision. "Nous allons résister aux envahisseurs", a-t-il proclamé, "vous allez remporter la victoire sur vos ennemis". Aucun élément n'a permis de déterminer s'il s'agissait là d'une intervention en direct ou d'un message pré-enregistré du leader irakien. La radio irakienne, de son côté, a promis de transformer l'Irak "en un cimetière pour les envahisseurs". Pour l'heure, la riposte irakienne a consisté à tirer une demi-douzaine de missiles sur le nord du Koweït, qui n'ont fait, semble-t-il, ni victimes ni dégâts, mais ont suscité un vent de panique dans la population de l'Emirat. Plus tard dans l'après-midi, CNN a affirmé que neuf missiles avaient été tirés d'Irak vers les troupes américaines stationnées au Koweït, près de la frontière.Critiques de la Russie et de la Chine, inquiétude et colère dans les pays musulmansLes réactions aux derniers événements se sont multipliées dans le monde. Intervenant en milieu de matinée, Jacques Chirac a déclaré que "la France regrette" l'action engagée contre l'Irak "sans l'aval des Nations Unies" et "souhaite que ces opérations soient les plus rapides et les moins meurtrières possible". "Quelle que soit la durée de ce conflit, il sera lourd de conséquences pour l'avenir", a prévenu le chef de l'Etat. "Demain, il faudra nous retrouver, avec nos alliés, avec toute la communauté internationale, pour relever ensemble les défis qui nous attendent", a-t-il dit, plaidant pour "l'action collective", "dans le cadre des Nations Unies, seul cadre légitime pour construire la paix, en Irak comme ailleurs". Au nom de l'Union européenne, la Grèce, qui en assure actuellement la présidence, a affirmé jeudi matin que le monde vit "un moment très triste et décevant". En Russie, Vladimir Poutine a "insisté sur l'arrêt rapide de l'opération militaire" lancée par les Etats-Unis. Selon le président russe, cette guerre est "une grave erreur politique". La Chine a elle aussi demandé aux Etats-Unis d'arrêter la guerre. "Nous exhortons les pays concernés à arrêter leur action militaire et à rentrer dans le droit chemin", a dit un porte-parole des Affaires étrangères, "l'action militaire contre l'Irak viole la charte des Nations Unies".Une vive inquiétude est exprimée par les pays musulmans. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud Al-Fayçal, a exprimé "la profonde inquiétude" de son pays et a réaffirmé que le royaume ne participerait pas à la guerre. Le ministre a espéré "un arrêt rapide des opérations militaires et un retour aux efforts pacifiques" pour régler la crise. Le Pakistan a affirmé jeudi matin qu'il ne "soutient pas" la guerre, et la Malaisie, qui préside le Mouvement des Non-alignés, a condamné le déclenchement d'une guerre qui consacre, selon elle, le règne de la loi du plus fort. Tonalité plus sombre encore du côté de la Ligue arabe, dont le secrétaire général adjoint Saïd Kamal a déclaré qu'après l'Irak, "le tour des autres pays arabes viendra"... A l'inverse, les pays alliés des Etats-Unis comme l'Australie, le Japon et la Corée du sud, ont réaffirmé leur soutien à l'offensive lancée par Washington. La Turquie, qui s'est fait prier ces dernières semaines pour coopérer avec les Etats-Unis, a partiellement obtempéré jeudi après-midi. Le parlement a accepté l'ouverture de l'espace aérien du pays à l'aviation américaine et a approuvé l'envoi de troupes turques dans le nord de l'Irak.
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