Fed moi peur

Par latribune.fr  |   |  378  mots
Il est des promesses délicates à tenir. La Fed, à la précision lexicale légendaire, en sait quelque chose. En répétant à trois reprises depuis sa réunion du 12 août qu'elle allait maintenir sa politique accommodante pendant une "période de temps considérable", la Réserve fédérale américaine s'est elle-même placée dans une posture difficile, voire intenable. Les signes concordants de l'accélération de la reprise de l'économie américaine, à la vigueur impressionnante, plaideraient en faveur d'un changement de discours, avant même un changement de politique. Mais comment amorcer ce subtil virage et préparer le terrain à un prochain relèvement des taux sans déstabiliser les investisseurs et le marché obligataire au premier chef, obsédé par le spectre du krach de 1994 ? Une seule solution : faire disparaître cette embarrassante formule de "période de temps considérable". Plusieurs des Sages étaient d'ailleurs assez mal à l'aise avec cet engagement exorbitant. La moitié des économistes américains se préparerait, selon Reuters, à ce glissement sémantique dès mardi soir, à l'issue de la réunion du comité de politique monétaire. Mais compte tenu d'un marché de l'emploi américain encore convalescent, ces mêmes économistes sont unanimes à considérer que la Fed ne relèvera pas ses taux : actuellement à 1% depuis la fin juin, ils sont au plus bas depuis 1958. Même en portant le loyer de l'argent à 1,25% ou 1,5%, la politique de la Réserve fédérale resterait pour le moins accommodante : avec une inflation à 2%, les taux réels seraient encore négatifs ! Actuellement, les marchés des futures n'anticipent de resserrement monétaire que pour le premier semestre 2004. Toujours analysé au millimètre, le phrasé de Greenspan et ses pairs devra encore faire montre d'une justesse et d'une mesure exceptionnelles. Car les investisseurs, après neuf semaines d'un "rally" de fin d'année extrêmement précoce sur les marchés actions américains et des indices flirtant avec leurs seuils psychologiques respectifs - 10.000 points pour le Dow Jones et 2.000 pour le Nasdaq - pourraient bien voir dans le communiqué de la Fed un opportun signal pour des prises de bénéfices généralisées avant la traditionnelle trêve des Fêtes...