L'épineuse équation Sanofi

C'est officiel depuis vendredi soir, c'en est fini du secret de polichinelle : le pacte liant Total et L'Oréal en tant que premiers actionnaires de Sanofi-Synthélabo ne sera pas renouvelé l'an prochain. Les dirigeants de Total avaient déjà fait savoir qu'ils comptaient vendre leur participation dans le labo, évoquant même cet été l'usage envisagé du produit de la cession. Une participation clairement non stratégique pour le pétrolier, qui souhaite pouvoir sortir à sa guise, mais en bon ordre, c'est-à-dire sans doute en plusieurs blocs pour écouler ses quelque 24,4%. Le pactole, environ 10 milliards d'euros avec une plus-value d'environ 6,7 milliards à la clef, pourrait servir à des rachats d'actions. De son côté, le patron de L'Oréal, Lindsay Owen-Jones, s'est plu à entretenir le mystère : à la dernière assemblée encore, lorsque les actionnaires s'étaient enquis des intentions du groupe, "OJ" s'était contenté de répondre que L'Oréal resterait "un fidèle actionnaire jusqu'à fin 2004, au moins". Ni Total ni le numéro un mondial des cosmétiques n'ont un besoin urgent de vendre, au regard de la solidité de leur bilan et de l'absence d'acquisitions majeures à financer.Mais l'enjeu est autrement de taille pour L'Oréal : la contribution de sa participation de 19,5% dans Sanofi représente un quart de son bénéfice net opérationnel. Vendre amputerait d'autant son bénéfice et ferait exploser son PER (price earning ratio), alors qu'il présente déjà un des rapports cours/bénéfice parmi les plus élevés du CAC 40, et ce malgré sa contre-performance boursière cette année : L'Oréal, pénalisé par le dollar faible et le passage de l'indice au 100% flottant ce lundi qui le fera rétrograder de la 3e à la 9e place, a perdu 15% depuis janvier, le plus mauvais score de l'indice parisien. Problème, le flux de cette juteuse contribution de Sanofi risque de se tarir progressivement : à partir de l'an prochain, pour la première fois, la croissance des bénéfices du labo sera moindre que celle des profits des cosmétiques. Le marché risque de s'interroger sur l'utilité de garder immobilisés quelque 8 milliards d'euros, représentant un plus-value potentielle de 6,5 milliards! Mais tout cet argent pour quoi faire? L'Oréal n'aura déjà plus de dette à la fin de cette année! Et sa politique de croissance externe reste extrêmement ciblée... Où trouver un investissement aussi rentable? A moins que Sanofi ne trouve (enfin) un fiancé pour fusionner : L'Oréal aurait l'excuse d'avoir achevé sa mission et pourrait plus volontiers se séparer d'une participation désormais diluée. Les grandes manoeuvres devraient commencer dès l'an prochain : indéniablement, la sortie programmée de Total laisse davantage le champ libre pour un rapprochement...
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