La réduction du déficit public, un pari loin d'être gagné

Promis, juré, la France ramènera son déficit public sous la barre des 3% du produit intérieur brut (PIB) en 2005. L'engagement en a été pris devant l'exécutif bruxellois mais aussi devant des partenaires européens plus vertueux que nous et très agacés par les dérapages français. Le scénario que défendait Francis Mer passe par une amélioration progressive de la croissance. Selon les dernières prévisions connues, le PIB devrait croître de 1,7% cette année, puis de 2,5% en 2005. Cette amélioration conjoncturelle, accompagnée par des réformes structurelles, doit dans l'esprit du gouvernement permettre un redressement significatif des finances publiques. Dans le programme de stabilité de la France à horizon 2007 transmis par Bercy à la Commission européenne, le gouvernement français s'engage à ramener le déficit public à 3,6% du PIB cette année (contre 4,1% en 2003) et à 2,9% en 2005.Cette promesse est généralement considérée comme crédible par les économistes. Ainsi Nicolas Sobczak, de Goldman Sachs, ne juge pas ces prévisions choquantes. "Je fais confiance au gouvernement quand il dit qu'il va contenir cette année les dépenses de l'Etat, ce qui, combiné avec une croissance de l'ordre de 2%, se traduira par une réduction de 0,5 point de PIB du déficit public", affirme-t-il. Nicolas Claquin au CCF partage ce point de vue tout en nuançant le pronostic pour 2005. Selon lui, le déficit public devrait se maintenir au-delà du seuil des 3%. L'économiste souligne qu'un point d'interrogation de taille demeure dans le scénario gouvernemental, celui des dépenses sociales de l'Etat. Celles-ci connaissent une inflation importante depuis des années, passant de 22% à 29% du PIB entre 1978 et 2003 alors que sur la même période les dépenses de fonctionnement progressaient bien moins rapidement. Un déficit en aggravation? En marge de ce consensus, Laure Maillard (CDC-Ixis) détonne. Dans une note récente, elle développe l'idée selon laquelle les finances publiques françaises vont continuer à se détériorer cette année avec un déficit qui se creuserait à 4,3% du PIB en 2004. Laure Maillard estime en outre que le passage du déficit en dessous de 3% aura davantage lieu en 2006 qu'en 2005. Le scénario défendu par l'économiste repose d'une part sur une hypothèse de croissance pour l'exercice en cours inférieure à celle retenue par le gouvernement. CDC Ixis table sur une progression de l'activité de 1,5%, soit 0,2 point de moins que Bercy. Dans les deux cas, ces estimations sont largement en deçà de la croissance potentielle généralement admise pour la France - c'est à dire 2,5% - ce qui se traduira mécaniquement par une nouvelle dégradation cyclique du déficit public. Laure Maillard évoque une détérioration de 0,5 point, le gouvernement l'estime pour sa part à 0,3 point. La différence est donc minime et n'explique donc pas comment, au final, l'économiste arrive à un déficit public de 4,3% en 2004 contre une prévision de 3,6% pour le gouvernement. L'écart provient en fait de l'appréciation que l'on fait de part et d'autre de la réduction attendue du déficit structurel. Alors que les pouvoirs publics estiment que celui-ci sera diminué de 0,7 point cette année, Laure Maillard n'attend qu'une réduction de 0,3%. Pour justifier sa prudence, elle pointe du doigt les dérives des organismes de Sécurité sociale, "et notamment la branche maladie, dont l'objectif est régulièrement dépassé". Pour 2004, l'Ondam (Objectif national des dépenses de l'assurance maladie) a été fixé à 4% (voir graphique ci-dessous) et déjà les premiers chiffres montrent un dérapage : les dépenses d'assurance maladie de la Sécurité sociale ont augmenté de 6,9% en janvier et de 5,9% en février. Incertitudes sur la stratégie du gouvernement Seule éclaircie dans ce tableau assez sombre, l'économiste pronostique que "le déficit devrait atteindre un niveau maximal en 2004 pour diminuer ensuite" même si comme elle le souligne cette amélioration sera moins rapide que ne l'anticipe le gouvernement. Le redressement des finances publiques tricolores proviendra, selon Laure Maillard, non pas d'une meilleure orientation conjoncturelle mais bien d'un réel mieux au niveau structurel. Celui-ci traduirait dans les chiffres les réformes engagées (retraite) ou en voie de l'être (assurance maladie). Reste néanmoins à déterminer de quelle manière le scrutin des élections régionales, marqué par la victoire de l'opposition, va changer la donne. Remanié, mais toujours conduit par Jean-Pierre Raffarin, le gouvernement pourrait bien être la cible de revendications catégorielles de toutes sortes. Si les pouvoirs publics ont su faire preuve de fermeté dans la gestion du dossier des retraites, ils ont en revanche cédé devant les demandes de certains corps de métiers (restaurateurs, buralistes...), ouvrant ainsi la boîte de Pandore. Le président de la République, en demandant la suspension de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité et en promettant de l'argent aux chercheurs, prend le risque de donner un signal supplémentaire à la rue. Et déjà, les médecins spécialistes font entendre leurs desiderata... Dans ce contexte, on n'ose imaginer ce qu'il adviendra de la réforme de la Sécurité Sociale. Deux lignes s'affrontent Pour de nombreux observateurs, le gouvernement se trouve désormais à la croisée des chemins. Et en son sein même, deux camps s'opposeraient. Tout d'abord, les partisans d'une ligne dure pour qui il faudrait se jeter à corps perdu dans les réformes structurelles et les mener le plus rapidement possible, afin de ménager au pouvoir en place des marges de manoeuvre avant les scrutins présidentiel et législatif de 2006. Cette politique restrictive serait agrémentée de quelques baisses d'impôts afin de mieux faire passer une pilule au goût très amer. Face à cette ligne, on trouve les tenants d'un régime plus modéré qui verrait le gouvernement mettre la pédale douce sur les grands chantiers annoncés (réforme de l'Etat, de la Sécurité sociale...). Dans le premier cas, une aggravation du déficit public ne pourra être évitée, au moins à court terme. Dans le deuxième cas de figure, l'objectif global d'une amélioration progressive et à court terme des finances françaises pourra être tenu grâce au rebond conjoncturel attendu mais ce ne serait que repousser à plus tard des décisions inévitables dans l'optique d'un assainissement de la situation économique. Avec une dette publique qui a grimpé en 2003 à 63% du PIB, soit 16.000 euros par Français, la France ne pourra louvoyer encore très longtemps : la dégradation continue des comptes de la Santé saura rappeler à tous l'urgence d'adopter un traitement adéquat...
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