"La reprise de l'emploi en France ne se dessine pas"

latribune.fr - Le gouvernement parie sur un reflux du chômage en 2004, qu'en pensez-vous?Olivier Gasnier - L'observation du marché de l'emploi en France laisse un sentiment mitigé. D'une part, on constate qu'il ne faut pas une croissance très forte dans ce pays pour créer de l'emploi. Une hausse du PIB un peu supérieure à 0,5% est à cet égard suffisante. Ceci explique pourquoi en 2003, avec une croissance quasi nulle, on ne devrait enregistrer qu'un repli limité de l'emploi de l'ordre de -0,1%. Cette résistance de l'emploi - qui a permis la bonne tenue de la consommation - s'explique par les mesures d'aides à l'emploi (200.000 emplois solidarité actuellement) et l'application des 35 heures. D'autre part, il est évident que puisqu'il n'y a pas eu d'effondrement brutal de l'emploi, on ne peut compter sur un rebond massif à la faveur de la reprise qui s'est engagée. A cet égard, la dernière enquête menée dans le secteur des services montre bien que les intentions des chefs d'entreprises sont mieux orientées mais ne laisse cependant pas présager des embauches en très grand nombre.Vous êtes donc relativement pessimiste pour l'avenir...En effet, j'estime que le rebond de l'emploi ne devrait pas être supérieur à 0,2 ou 0,3% cette année. En tendance, on peut dire que le chômage se stabilise mais la reprise de l'emploi ne se dessine pas. Pour observer un véritable rebond, il faudrait d'abord que les entreprises en aient fini avec le nécessaire processus d'ajustement de leurs comptes. Les marges des sociétés françaises sont actuellement au plus bas depuis 19 ans. Quant à la productivité, elle est tombée à des niveaux ridicules, surtout si l'on regarde ce qui s'est passé aux Etats-Unis. Ensuite, il faudrait également que les perspectives internationales se dégagent pour espérer voir les entreprises reprendre le chemin de l'investissement et des embauches. A cet égard, la montée de l'euro - même si le mouvement s'est un peu calmé -, le risque géopolitique toujours présent et les déséquilibres économiques américains sont autant de facteurs de risques.Quel est votre pronostic en ce qui concerne l'évolution du taux de chômage pour cette année? Nous avons une hypothèse de croissance du PIB inférieure à celle retenue par le gouvernement, 1,2% contre 1,7%, et dans ce scénario nous attendons un léger reflux du chômage avec un taux qui devrait être de 9,3% à la fin de l'année. Même légère, cette amélioration est cruciale dans la mesure où le taux de chômage est un indicateur important pour la confiance des consommateurs. La dégradation du marché de l'emploi ces dernières années s'est traduite par un niveau d'épargne très élevé. Au troisième trimestre de l'année écoulée, il était de 16,8% et sur les deux dernières années, il s'établit en moyenne à 16,4%. En corollaire, le rythme de progression de la consommation a ralenti. Avec une amélioration, même légère, de la situation de l'emploi, on peut donc espérer une petite détente du taux d'épargne. Mais celle-ci demeurera limitée tant d'autres questions (retraite, réforme de l'assurance maladie) viennent brider l'appétit de consommation des ménages.Le gouvernement, sous l'impulsion du chef de l'Etat, a placé l'année 2004 sous le signe de la mobilisation pour l'emploi avec en ligne de mire une loi et des projets comme celui relatif à une réforme de la taxe professionnelle. Quelle efficacité peut-on attendre de ces annonces?Je crois qu'aujourd'hui tout le monde sait que le gros des politiques de l'emploi est derrière nous. Le discours volontariste des pouvoirs publics est juste un signal mais il n'y a pas de marges de manoeuvres budgétaires. Ceci étant, c'est habile politiquement de faire ses annonces au moment où un retournement est attendu, cela permet d'accompagner le mouvement. Mais on sait que ces politiques ne sont pas très efficaces et on est allé déjà assez loin en matière de baisses des charges. De surcroît, il n'est peut-être pas très judicieux dans le contexte économique mondial actuel de continuer à stimuler les emplois les moins qualifiés. Aujourd'hui, la France est confrontée à un problème de productivité et il va falloir trouver le moyen de faire remonter le niveau de cette productivité afin d'augmenter la compétitivité des entreprises françaises. Dans ce cadre, tout le débat actuel sur la recherche en France n'est pas sans intérêt.
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