Bruxelles veut réformer en profondeur le marché du sucre

Le Commissaire à l'Agriculture a décidé de jeter un dernier beau pavé dans la mare, alors que la Commission arrive en fin de parcours. Franz Fischler a arrêté les modalités d'une réforme en profondeur du marché du sucre. Il doit présenter ses propositions au collège des Commissaires le 14 juillet prochain. La communication préparée sur le sujet prévoit rien de moins qu'une baisse sensible des quotas de production, une chute des prix minimums garantis et l'abolition des prix d'intervention - qui compensent le différentiel avec les cours internationaux. "Le système des aides à la production sucrière est si complexe, que comme un château de cartes, si on retire un élément, tout vient avec", explique un responsable de la Commission. Les propositions promettent de ne pas passer inaperçues en France, premier producteur européen de sucre.Bruxelles souhaite marquer le coup d'entrée de jeu. Dès le 1er janvier 2005, les quotas de production subventionnée, qui se montent aujourd'hui à 17,4 millions de tonnes pour les Quinze, seraient amputés de 1,3 million de tonnes. Puis, au cours des trois années suivantes, la baisse serait de 0,5 million par an. La France serait touchée en proportion de son quota de 3,3 millions de tonnes.Le prix minimum garanti pour la betterave sucrière serait raboté de 37%. Et le prix d'intervention, diminué d'un tiers, serait transformé en simple prix de référence, beaucoup moins contraignant. Du coup, si ce système est mis en place, les exportations européennes de sucre s'effondreront, passant de 2,4 millions de tonnes à 0,4 million. "Précisément, cela créera de nouveaux marchés à conquérir, notamment, espérons-le, par les pays les plus pauvres", explique un officiel bruxellois. Le régime européen du sucre est sous le feu de critiques continues. Il est vrai que les subventions sont telles que tous les pays de l'Union produisent cette denrée... y compris la Finlande ! L'ONG Oxfam demande cette réforme, afin que l'ouverture des marchés puisse bénéficier aux pays en voie de développement. A l'automne 2002, le Brésil et l'Australie ont porté plainte devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre le système de quotas européens. "Nous ne pouvons pas continuer ainsi, explique-t-on à Bruxelles. Il faut réformer par nous mêmes avant de devoir le faire sous la contrainte et dans des conditions plus difficiles".Bruxelles prévoit certes quelques mesures pour faire passer son amère potion sucrière. Dans l'UE, les producteurs bénéficieront d'une compensation de 50% à 60% de leurs pertes. Il s'agira d'un paiement unique, détaché des quantités et des denrées produites - bref une invitation à la reconversion. Pour maintenir leur production, les entreprises qui comptent rester sur le marché pourront racheter des quotas à celles qui mettent la clé sous la porte. A ce jeu, la France ne devrait pas trop souffrir. Des aides seront débloquées pour faire face aux restructurations inévitables.Même avec ces mesures, les obstacles ne manqueront pas sur la voie de la Commission. Les pays qui pèsent le plus en voix au sein du Conseil... sont aussi les plus gros producteurs. Aux côtés de la France, on compte également l'Allemagne et la Pologne.Pour compliquer encore l'affaire, les 77 pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) bénéficient d'accords qui leur permettent d'écouler une partie de leur production sucrière dans l'UE au prix communautaire. L'Europe en a réexporté, l'an passé, avec ses mécanismes de soutien 1,3 million de tonnes. Cette industrie soutenu par l'UE va donc subir de très fortes secousses.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.