Quand l'arbitre perturbe le match...

Les licences de téléphonie mobile GSM des trois opérateurs mobiles français arrivent à échéance. En mars 2006 pour Orange et SFR et en 2009 pour Bouygues Telecom. Les conditions de renouvellement - notamment financières - doivent être connues deux ans à l'avance et elles sont actuellement au centre de négociations intenses entre opérateurs et pouvoirs publics.Le gouvernement souhaite augmenter les redevances payées par des entreprises aujourd'hui florissantes. Il reste à savoir selon quelles modalités. Et c'est précisément à ce stade qu'apparaissent les difficultés que pose un changement de règles du jeu.En 1991, lorsque les premières licences ont été attribuées, le portable balbutiait. L'Etat avait alors fixé une simple redevance annuelle pour l'utilisation de la ressource rare que représentaient les fréquences hertziennes. Ce ticket d'entrée que payent encore les opérateurs est de l'ordre de 15 à 20 millions d'euros par an. Mais au vu des centaines de millions d'euros de profits qu'engrangent les opérateurs et des difficultés budgétaires du gouvernement, ces montants ont fini par apparaître notoirement insuffisants. Dès lors, les services du ministère de l'Economie et des finances ont cherché une solution pour faire payer davantage les opérateurs. Augmentation de la redevance, instauration d'un prélèvement sur les profits ou sur le chiffre d'affaires, tout y est passé avant que Bercy ne communique aux opérateurs une proposition prévoyant, outre une redevance fixe, un prélèvement d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires, variable selon le niveau de celui-ci. Une sorte d'impôt sur le revenu qui peut paraître a priori séduisant, mais qui présente la particularité de différencier le traitement entre des opérateurs qui n'ont pas la même taille. Un système, qui, disons le tout net, ménage particulièrement Bouygues Telecom, le plus petit acteur du marché.Cette solution a fait bondir Orange et SFR qui, avec un chiffre d'affaires au moins deux fois supérieur à celui de Bouygues Telecom, vont payer bien davantage que lui. Un bras de fer s'est enclenché... alors qu'il n'aurait jamais dû avoir lieu si l'Etat s'était forgé une doctrine en matière de facturation du domaine public à des entreprises privées. Mais c'est ainsi, sous couvert de pragmatisme, la décision à venir sur les licences peut avoir une influence déterminante sur le marché. On peut en effet comprendre les fortes réticences d'Orange et SFR quand ils font valoir qu'en tenant compte de la taille de chaque opérateur, on assigne à une redevance la mission correctrice d'inégalités concurrentielles qui revient normalement aux régulateurs du marché. De même, on peut comprendre l'inquiétude de Bouygues Telecom quand il affirme - dans La Tribune de ce vendredi - qu'une ponction fixe de 5 % sur son chiffre d'affaires lui ampute un gros tiers de son résultat d'exploitation. Il reste qu'une règle du jeu, claire dès le départ, aurait évité la suspicion qui ne manquera pas de planer sur la décision que prendra le gouvernement. La solution d'une ponction sur le chiffre d'affaires - retenue pour les licences UMTS - offrait même les meilleures garanties d'une rémunération du domaine public compatible avec le développement du marché. Mais, à changer les règles du jeu en cours de match, c'est avant tout l'arbitre qui se discrédite.
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