Euro fort, Europe faible

Car, au fond, l'histoire de l'euro fort au cours de ces derniers mois - il s'est apprécié de 20% par rapport au dollar l'an dernier - , c'est dans une large mesure l'histoire de l'Europe faible.Faible sur le plan économique, à l'évidence, avec une croissance de 0,4% en rythme annuel, au dernier trimestre de l'an dernier. De ce point de vue, l'euro fort constitue un paradoxe : une monnaie forte dans une zone à croissance faible dont les échanges sont excédentaires (26,4 milliards d'euros pour les comptes courants au troisième trimestre 2003) et le chômage élevé (8,8% de la population active). Mais le paradoxe s'explique. D'un côté, à Washington, il existe une véritable volonté de laisser glisser le dollar. De l'autre, des grandes capitales européennes à Bruxelles en passant par Francfort, on étale ses divisions plutôt que sa volonté.Car l'Europe est aussi et surtout faible sur le plan politique. Elle le paie aujourd'hui en étant incapable d'apporter une réponse coordonnée et convaincante aux "mouvements brutaux" - dixit Jean-Claude Trichet - sur le marché des changes.L'incapacité des trois piliers à adopter la même position sur les grands débats économiques des derniers mois est d'ailleurs généralisée et extraordinairement frappante.Quand les chefs d'Etat ont décidé fin novembre dernier de s'affranchir des règles du Pacte de Stabilité (tout en étant eux-mêmes divisés sur le sujet), la Commission et la Banque Centrale Européenne ont explicitement condamné ce relâchement des disciplines. Un contre deux.Tout juste vingt-quatre heures plus tard, c'est la BCE qui s'est insurgée contre le mauvais coup que lui préparaient les gouvernements des vingt-cinq, sur proposition de la Commission : il était question, dans le cadre de la préparation de la nouvelle constitution, de permettre au Conseil Européen de modifier les statuts du Système européen de banques centrales et de la BCE. Un contre deux.Jeudi dernier, les Etats membres et la Commission ont réclamé à cor et à cri une baisse des taux. La BCE a fait la sourde oreille. Un contre deux.On pourrait ainsi multiplier les exemples. La conclusion est claire.Il est grand temps que l'Europe découvre les charmes du "tous pour un". La modification de la rhétorique de la BCE depuis quelques jours est de ce point de vue un premier pas dans la bonne direction. Souhaitons que ce ne soit pas le dernier.
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