Et si Sarkozy et Trichet s'entendaient ?

Le président de la Réserve Fédérale Alan Greenspan inaugure cette semaine son cinquième mandat. On ne sait si Jean-Claude Trichet lui envie cette longévité. Mais le président de la Banque centrale européenne ne peut qu'être jaloux de la parfaite harmonie qui semble régner entre le patron de la Fed et les administrations américaines successives.Car entre les responsables politiques européens et le grand argentier de Franfort, l'heure est à la soupe à la grimace.Les données du différend sont connues. D'un côté, les politiques sont à la recherche de marges de manoeuvre pour générer une croissance plus vigoureuse en assouplissant la politique monétaire et en desserrant l'étau budgétaire de Maastricht - concrètement, ils veulent des taux d'intérêt plus bas et être libres d'augmenter leurs dépenses publiques. De l'autre, la banque centrale se pose en garant de la stabilité des prix et de la monnaie : pour elle, une croissance durable repose sur un environnement économique prévisible et des comptes publics proches de l'équilibre.Pour l'heure, chacun joue parfaitement son registre. Quand la Tribune révèle, dans son édition de lundi, que la Commission envisage d'assouplir les modalités de calcul du déficit public, Jean-Claude Trichet monte aussitôt au créneau déclarant à propos du pacte de stabilité et de croissance : "Il est impératif de le respecter, il ne saurait y avoir d'entorse."Que le président de la BCE s'inquiète d'un retour de l'inflation, et le ministre de l'Economie et des Finances Nicolas Sarkozy dénonce son dogmatisme. On se souvient de sa déclaration tonitruante du 9 juin : "Cela ne me gêne pas que le premier objectif de la Banque centrale soit l'inflation, mais elle s'est fixé elle-même un autre objectif qui n'est pas dans les statuts, c'est ce niveau à 2%." Et de suggérer "une modification des statuts de la BCE, à l'image de ce qui se passe avec la Federal Reserve Bank."Les choses risquent d'autant moins de s'arranger que personne ne tient ses objectifs. L'inflation en zone euro atteint 2,5%, son niveau le plus élevé depuis 12 ans. Nicolas Sarkozy et le ministre allemand des Finances Hans Eichel sont mal placés pour donner des leçons. Leurs deux pays ont dépassé ou avoisiné 4% de déficit public l'an dernier, alors que le plafond autorisé n'est que de 3%.Le contexte est ainsi fort peu propice à ce que chacun examine de manière constructive les objections de l'autre. Et c'est dommage.Car Jean-Claude Trichet a incontestablement raison quand il explique en substance que si un déficit public élevé et des taux d'intérêt réduits suffisaient à garantir une croissance solide (le taux directeur de la BCE est actuellement de 2%), la France et l'Allemagne seraient de parfaits oasis de prospérité. En outre, l'argument selon lequel la montée de l'euro a davantage profité à l'économie de la zone euro en contenant l'augmentation des prix du pétrole qu'elle n'a pénalisé ses exportations ne peut être balayé d'un revers de main.De l'autre, Nicolas Sarkozy est fondé à s'interroger sur l'apparente obsession de la BCE à propos d'une inflation à 2%. Les prix à la production américains augmentent de 5% par an. Cela n'empêche pas Alan Greenspan d'estimer que l'inflation ne représente pas une "inquiétude sérieuse" pour les mois à venir. On ose à peine ajouter que la croissance américaine est de 4,4% et que les Etats-Unis ont créé près de 250.000 emplois le mois dernier.Il y a plus important : le président de la Fed a su établir des relations de confiance avec les secrétaires au Trésor qui se sont succédés depuis dix-sept ans, sans compromettre son indépendance. La Banque d'Angleterre, statutairement indépendante depuis sept ans seulement, s'est engagée avec succès sur la même voie.La Banque centrale européenne et les gouvernements de la zone euro auraient tout intérêt à développer une relation de cette nature. Dans ce but, il serait bon que Nicolas Sarkozy n'agrémente pas ses appels au dialogue d'une menace de modification des statuts et que Jean-Claude Trichet admette que les politiques sont fondés à participer à la définition du meilleur "policy mix". On peut toujours rêver.
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