Bruxelles saisit la Cour de Justice de l'infraction française au Pacte de stabilité

C'est fait: la Commission européenne a effectivement déposé une plainte devant la Cour européenne de justice contre le refus des ministres européens des Finances d'appliquer les règles du Pacte de stabilité. Une initiative qui vise au premier chef la France, accusée d'avoir laissé son déficit déraper au delà du plafond de 3% prévu par le Pacte, et que la Commission soupçonne de ne pas faire assez pour le réduire rapidement.En saisissant la justice européenne, Bruxelles passe outre l'opposition quasi-unanime des pays de l'Union à un tel développement judiciaire de l'affaire. Car pour la Commission, l'enjeu est de taille: il s'agit de préciser les règles de fonctionnement et les responsabilités respectives dans des questions qui figurent parmi les plus sensibles de l'Union européenne.L'affaire remonte au 25 novembre dernier, quand les ministres des Finances des Quinze ont décidé de ne pas mettre en oeuvre contre la France et l'Allemagne les procédures de sanction prévues par le Pacte de stabilité en cas de déficit budgétaire dépassant les 3% du PIB. Essentiellement politique - les ministres de l'Union n'avaient pas voulu mettre en accusation deux pays "moteurs" de celle-ci - cette décision a entraîné de lourdes conséquences juridiques, très mal vécues par la Commission, qui s'inquiète du flou total qui règne désormais sur les obligations respectives des différentes institutions de l'Union.La Commission européenne a donc décidé le 13 janvier de porter l'affaire devant la Cour européenne, et cela en dépit de l'opposition des ministres des Finances. Ces derniers - y compris ceux qui auraient souhaité l'application du Pacte en novembre - n'apprécient pas, en effet, de voir une question aussi politique que les obligations des Etats membres en matière budgétaire tranchée par les juges de Luxembourg.Mais rien n'y a fait: Romano Prodi, président de la Commission, a souligné à maintes reprises qu'il ne pouvait faire autrement, tant il est indispensable que les règles soient respectées. La décision à venir de la Cour de justice ne sera cependant qu'un élément parmi d'autres, dans le cadre d'une refonte des principes régissant la "gouvernance économique" de l'Union. La Commission doit faire des propositions sur ce sujet au début du mois prochain. Si la règle des 3% de déficit ne devrait pas changer, des assouplissements pourraient être introduits, avec la prise en compte de l'ensemble de la dette publique, et non pas seulement du déficit annuel. Surtout, la surveillance des finances publiques des Etats membres pourrait prendre davantage en considération l'alternance des périodes d'expansion et de ralentissement économique.En attendant que de nouvelles modalités d'application des règles du Pacte de stabilité soient éventuellement définies, Bruxelles ne compte pas, en tout cas, relâcher sa pression. La Commission s'est ainsi inquiétée aujourd'hui d'un éventuel nouveau dérapage du déficit français en 2005. Elle semble douter du réalisme de l'engagement pris par le gouvernement français de ramener le déficit de l'année prochaine à 2,9%, c'est à dire juste en dessous des fatidiques 3%. La France, estime-t-elle, devrait donc consentir des "efforts supplémentaires" pour assainir ses finances publiques.La réponse du gouvernement français ne s'est pas fait attendre: Alain Lambert, ministre du Budget, a affirmé que la France "prenait toutes les dispositions pour respecter (ses) engagements" européens. Et le ministre de s'appuyer sur le respect du volet dépenses du budget 2003 pour confirmer le sérieux de ses engagements: "pas un euro de plus n'a été dépensé au regard de l'autorisation parlementaire de la loi de finances initiale 2003", a souligné Bercy dans un communiqué. Et si le déficit de l'Etat se monte finalement à 56,96 milliards d'euros, soit 1 milliard de plus qu'initialement prévu, il s'agit là "exclusivement" de la conséquence de la baisse des recettes fiscales, liée au ralentissement économique.Autre preuve de la détermination du gouvernement à maîtriser les finances publiques cette année: Bercy travaille actuellement à la mise en place d'un ensemble de mesures de gels budgétaires, portant sur plusieurs milliards d'euros et vient d'engager de discrètes négociations en ce sens avec l'ensemble des ministères (lire ci-contre).
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