Le retour de l'inflation, menace ou intox ?

Examiner aujourd'hui les risques inflationnistes mène d'abord à constater la vitesse étonnante à laquelle l'environnement économique a changé.L'an dernier, les experts débattaient âprement des risques de déflation. Après le Japon, l'Allemagne ? Et si les Etats-Unis sombraient à leur tour ? La perspective d'une baisse auto-entretenue des prix des biens et des actifs et son cortège de destruction économique paraissaient imminents de deux côtés de l'Atlantique. Le FMI tirait la sonnette d'alarme. "Recherche inflation désespérément ?" s'interrogeaient les économistes d'Axa en mai 2003. "La déflation fait son nid", constataient nos confrères de l'Expansion un mois plus tard.Et pourtant, fin mai dernier, les prix de détail allemands affichaient une hausse de 2% en rythme annuels, la limite d'inflation tolérable par la Banque centrale européenne. Aux Etats-Unis, la progression annualisée était de 2,3% fin avril - le chiffre de mai sera connu aujourd'hui et fait frémir Wall Street. Non sans raison : la progression des prix, toujours en rythme annuel et en données corrigées des variations saisonnières, est de 4,4% sur les quatre premiers mois de l'année.La France n'est pas épargnée par ce mouvement. Les prix y ont augmenté de 0,4% pour le seul mois de mai, de 2,6% en un an, a annoncé l'Insee hier. L'Espagne en est à 3,4%.Cette poussée de fièvre s'explique bien sûr pour une large part par la flambée des prix du pétrole. Débarrassée de ses composants les plus volatils, dont le pétrole, l'inflation "sous-jacente" n'est plus que de 1,6% en France, de 2,7% en Espagne.Si l'on s'en tient au diagnostic des experts selon lesquels le prix actuel du baril intègre une prime de 8 à 10 dollars, il est tentant d'en conclure que le retour de pressions inflationnistes est largement artificiel et probablement momentané. Les banques centrales auraient donc tort de surestimer le risque de dérapage des prix et de relever leurs taux au risque d'étouffer la croissance : c'est tout le sens du message adressé la semaine dernière par le ministre des Finances Nicolas Sarkozy au président de la Banque Centrale Européenne Jean-Claude Trichet.Ce raisonnement pèche toutefois à deux titres. En premier lieu, rien ne garantit que les prix du pétrole reviendront à des niveaux raisonnables dans les mois à venir. Ensuite, l'inflation a largement le temps de produire des dégâts dans l'intervalle.Quels dégâts au juste ? demandent les sceptiques de l'orthodoxie monétaire. En quoi une hausse des prix de détails de 3% par an constitue-t-elle un handicap si lourd pour l'économie qu'il mérite un relèvement des taux au risque de ralentir l'activité, donc de détruire des emplois ?Pour les partisans d'Alan Greenspan ou de Jean-Claude Trichet, la réponse est double. D'abord, l'inflation est une destruction immédiate du pouvoir d'achat et de la valeur de l'épargne. Ensuite et surtout, elle peut rapidement échapper à toute maîtrise ; le relèvement des salaires pour en compenser les effets alimente et intensifie les hausses de prix. Enfin, les comportements des agents économiques en matière de consommation et d'investissement est perturbé par les anticipations de hausse de prix. Au total, l'inflation est un luxe que nos économies ne sauraient se permettre.Une chose est sûre : le débat ne fait que commencer. La menace inflationniste et la réplique des banques centrales seront l'une des grandes affaires économiques de l'année 2004.
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