L'euro efface la barre de 1,28 dollar

Les journées se suivent et se ressemblent sur le marché des changes: mardi, l'euro a établi une succession de nouveaux records de hausse face au dollar, en franchissant coup sur coup les barres de 1,27 et 1,28 dollar. Alors que, depuis le début du mois de décembre, la monnaie unique a battu plus de quinze fois son record face au dollar, il se confirme que la glissade de ce dernier ne cesse de s'amplifier.Ce mardi, de fait, le mouvement n'a cessé de s'accélérer. Si la barre de 1,27 dollar a été franchie mardi matin à Tokyo à 1,2711 dollar, celle de 1,28 dollar l'a été dès le milieu de l'après-midi en Europe, avec un cours de 1,2804 dollar atteint à Londres (avant que la devise américaine ne se reprenne un peu en fin d'après-midi, pour s'échanger aux environs de 1,2750 pour un euro). Bien loin de ralentir, la dégringolade du dollar ne fait donc que s'accélérer. La barre des 1,28 dollar pour un euro franchie, c'est désormais le seuil de 1,30 dollar qui se profile à l'horizon. De quoi relativiser sérieusement la portée des prévisions des économistes: voici encore un mois, nombre d'entre eux annonçaient un euro à 1,30 dollar pour la fin de 2004...Dans l'immédiat, en effet, aucun élément ne semble susceptible d'enrayer le mouvement de chute du billet vert. Celle-ci répond aux objectifs économiques du gouvernement américain, dans la mesure où elle donne un coup de fouet à l'économie du pays qui vient d'entrer dans une année électorale. Les entreprises américaines profitent du dollar faible pour exporter davantage ou engranger des profits accrus sur les activités à l'étranger, ce qui devrait être bon pour l'emploi dans les mois qui viennent, et donc pour la réélection de George Bush à l'automne prochain (lire ci-contre).Le seul facteur susceptible d'enrayer la chute du dollar serait sans doute une remontée des taux d'intérêt américains. Mais rien ne permet de croire à un changement de politique de la Réserve fédérale en la matière. L'un des membres les plus influents de la Fed, Ben Bernanke, vient ainsi de réaffirmer que la politique actuelle de la banque centrale était appropriée, ce qui n'a pas peu contribué à la nouvelle glissade du dollar.Dans ces conditions, les autres grands pays sont bien peu armés pour enrayer le phénomène. Ce matin encore, pourtant, les autorités japonaises ont agité le spectre d'une intervention sur le marché des changes. Le yen, en effet, s'est établi au plus haut depuis 40 mois face au billet vert. Le dollar s'est en effet brièvement inscrit à 106,06 yens, son cours le plus bas depuis septembre 2000.Du coup le ministre japonais des Finances Sadakazu Tanigaki a affirmé à l'occasion d'un point de presse que le Japon allait "prendre des mesures appropriées contre les mouvements spéculatifs". Le Japon aimerait en effet éviter une trop forte hausse du yen qui rend ses exportations moins compétitives et grève les revenus rapatriés par les sociétés exportatrices. Mais de telles menaces ont peu de chance d'être prises au sérieux. Les autorités japonaises ont déjà consacré un montant record de 20.060 milliards de yens (149 milliards d'euros au cours actuel) en opérations de ventes de yens sur le marché des changes en 2003, soit près de trois fois plus que le précédent record de 7.640 milliards de yens en 1999. Et cela sans impact significatif.Par ailleurs, les autorités européennes n'ont pas manifesté, loin de là, une volonté forte d'enrayer la flambée de l'euro, par l'intermédiaire d'une baisse des taux de la Banque centrale européenne par exemple. A cet égard, les déclarations sur les parités des changes des responsables de la BCE, qui se réunissent ce jeudi, seront scrutées à la loupe. Mais dans l'immédiat, tout indique que le mouvement de baisse du dollar devrait se poursuivre. A Paris, le gouvernement tente de faire bonne figure: le ministre du Budget Alain Lambert, tout en reconnaissant sur Europe 1 que les "mouvements brusques" sur les taux de change "ne sont pas bons", a souligné qu'il fallait "se garder de tout catastrophisme" pour l'instant devant l'évolution du taux de change euro/dollar.Il n'en demeure pas moins que l'accélération de la chute du dollar à laquelle on assiste prend une tournure de plus en plus inquiétante. Si, ces dernières semaines, il était encore possible de plaider que le mouvement en cours n'était qu'un simple rééquilibrage des parités après une période de force excessive de la devise américaine, le mouvement prend de plus en plus des allures de débâcle totalement hors de contrôle. De quoi faire peut-être enfin réagir les autorités, des deux côtés de l'Atlantique...
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