Péril rouge à Strasbourg

Le passé communiste des huit pays de l'ancien bloc de l'Est qui sont sur le point d'entrer dans l'Union européenne a encore bien du mal à passer. Pour preuve, ce projet du Parti populaire européen (PPE) d'interdire la vie politique européenne aux anciens dirigeants communistes. Cette initiative, révélée par la presse hongroise le 30 janvier dernier, serait soumise au congrès du PPE les 4 et 5 février à Bruxelles. Elle pourrait ensuite prendre la forme d'une résolution présentée devant le Parlement européen et demandant aux formations qui y sont représentées de refuser dans leurs rangs les anciens membres de l'appareil d'Etat communiste. Cette décision a provoqué un tollé en Hongrie. Le projet exclurait en effet de la vie politique européenne la plupart des membres de l'actuel parti au pouvoir, le parti social-démocrate (Mszp), issu de l'ancien parti unique. Y compris l'actuel Premier ministre, Peter Megyessy, qui a révélé voici quelques mois qu'il était un ancien des services secrets au temps de la République populaire. Et la Hongrie n'est pas un cas unique : en République tchèque, en Pologne, en Slovaquie et en Lituanie, les ex-communistes font également partie des coalitions gouvernementales. On peut donc s'interroger sur ce projet du PPE. D'autant que ce sont souvent ces anciens apparatchiks convertis au capitalisme qui ont mené les négociations d'adhésion de leurs pays à l'Union. Sans demander pour autant aux institutions ou à la politique européennes des inflexions "marxistes"... Et ce sont également eux qui mènent aujourd'hui des politiques libérales de privatisations et de réductions des dépenses de leurs Etats. Qu'on pense par exemple que cet ancien espion "rouge" qu'était Peter Megyessy est aujourd'hui celui qui prévoit une réduction de 574 millions d'euros des dépenses de l'Etat hongrois en 2004. Une politique à faire "rougir", par exemple, la droite française...Il faut donc bien évoquer deux explications à cet étonnant projet: l'opportunisme et l'ignorance. La proposition du PPE n'est en effet pas exempte d'arrière-pensées politiciennes. En écartant les anciens communistes, les partis de droite des pays de l'Est espèrent évidemment s'ouvrir un boulevard électoral. Le député du parti conservateur hongrois Fidesz, Josef Sajzer, en a ainsi profité pour rappeler les liens entre l'ancien parti unique et le Mszp. L'autre explication est encore moins glorieuse : les partis de droite occidentaux trahissent par ce projet une peur idéologique des anciens "rouges". Qui ne peut reposer que sur une certaine ignorance condescendante. Mais le PPE joue avec le feu. Car comme l'a noté le socialiste hongrois Gyula Hegyi, "l'occident aussi a un passé". "Nous n'avons rien dit lorsque d'anciens membres du parti franquiste ont adhéré au PPE en Espagne", a-t-il ainsi ajouté. On pourrait également s'inquiéter de la présence lors du congrès du PPE du premier ministre turc, ancien islamiste radical. Pire même, certains membres du PPE pourraient ne pas être exempts de collaboration avec les anciens régimes communistes. La CDU est-allemande a ainsi survécu pendant cinquante ans comme parti fantoche, allié aux communistes, et l'actuelle leader de la CDU, Angela Merkel, a été dans sa jeunesse brièvement membre des jeunesses communistes de la RDA...
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