Acte de décès de la fusion Sibneft-Ioukos

Le rêve d'un géant russe du pétrole est terminé. Mardi matin, Millhouse Capital, le fonds d'investissement de Roman Abramovitch, premier actionnaire de Sibneft, a annoncé que les "représentants des actionnaires de base de Ioukos et de Sibneft ont signé un protocole sur l'exécution d'une transaction de séparation entre les deux groupes". Le communiqué ajoute que la mise en place de ce protocole devra se faire "le plus rapidement possible". C'est donc la fin d'un feuilleton qui a débuté au printemps dernier, lorsque le président d'alors de Ioukos, Mikhail Khodorkovski, annonçait qu'il rachetait le groupe de Roman Abramovitch. Millhouse Capital, détenteur de Sibneft à 92%, devait alors toucher 3 milliards de dollars en cash et 26% du capital de la nouvelle société. C'était alors le troisième groupe pétrolier mondial en termes de production et de réserves qui se levait à l'Est.Seulement, à partir de juillet dernier, le bras de fer entre la galaxie financière de Mikhail Khodorkovski et le Kremlin a débuté. A l'origine, un projet de hausse des taxes sur la production pétrolière. Pour empêcher ce texte de passer, Mikhail Khodorkovski aurait tenté, selon le Kremlin, de "s'offrir" une minorité de blocage à la Douma. Craignant par ailleurs que ces manoeuvres soient un premier pas vers des ambitions politiques plus dangereuses encore, Vladimir Poutine décide d'emprisonner le banquier de Ioukos, Platon Lebedev, en juillet, puis Mikhail Khodorkovski lui-même le 25 octobre dernier. Dès lors, la situation de Roman Abramovitch était délicate. Poursuivre la fusion aurait signifié partager le destin de ce groupe désormais devenu la cible de toutes les attaques politiques et fiscales (le Trésor russe réclame 3 milliards de dollars d'arriérés d'impôts à Ioukos). Avec, in fine, le risque de voir ses actifs gelés, voire nationalisés de facto. Le président du club de Chelsea a donc préféré jouer la sécurité en négociant la fin de la fusion. Du coup, lors de la première assemblée générale du nouveau groupe, le 30 novembre dernier, Millhouse avait décidé de demander l'annulation du rapprochement. Ont alors commencé de lourdes et périlleuses négociations faites de fausses nouvelles et de bras de fer entre les deux parties. Un accord avait ainsi déjà été annoncé le 17 décembre dernier, mais rien n'avait suivi. Et le 30 janvier encore, Ioukos annonçait qu'il n'était pas question de mettre un terme à la fusion. La difficulté majeure était la question des indemnités. Ioukos voulait un milliard de dollars en plus des 3 milliards versés à Sibneft et qui devaient être rendus. Sibneft, de son côté, restait inflexible, ne voulant rien payer. Selon une source citée par Reuters, le groupe de Roman Abramovitch a obtenu gain de cause.Reste désormais que l'avenir des deux groupes séparés n'est pas réjouissant. Roman Abramovitch, qui s'est reconverti en gentleman anglais, désire toujours vendre ses parts dans les sociétés russes qu'il possède. Sibneft est donc à vendre. Plusieurs groupes sont sur les rangs, notamment Total. Mais le Kremlin, on le sait, est très susceptible quant à la vente d'actifs pétroliers à des sociétés étrangères. S'il a autorisé l'alliance entre BP et TNK, il a refusé catégoriquement l'entrée d'une major américaine dans le capital de Ioukos. Sur le marché en roubles de Moscou, le Micex, Sibneft a progressé mardi de 2,5%.Et Ioukos? Le groupe est désormais isolé et fragilisé face au Kremlin. Le montant incroyable des arriérés d'impôts demandés laisse penser que l'Etat pourrait se payer en actions, ce qui signifierait une "semi-nationalisation" de fait. Une nouvelle fusion avec le groupe semi-public Loukoil deviendrait alors possible, laissant place à un nouveau géant russe du pétrole, cette fois sous les auspices du Kremlin. Du coup, le titre Ioukos a pris 7,8% sur le Micex.
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