Des Maltais masochistes... ou réalistes ?

Malte n'est décidément pas un pays comme les autres. Le petit archipel de 376 kilomètres carrés peuplé de 360.000 âmes (environ deux gros arrondissements de Paris) se distingue en effet fortement des pays d'Europe centrale et orientale qui entrent, comme lui, le 1er mai dans l'UE. Pour preuve, les Maltais ont adhéré sans enthousiasme. Après une tentative avortée lors de la vague de 1995, ils ont en effet finalement voté "oui" à l'adhésion à 57% en mars 2003, mais au prix de 77 clauses spécifiques faisant de Malte un Etat résolument "à part" dans l'Union. Il faut dire que, parmi les dix nouveaux entrants, Malte est le seul pays à ne pas avoir d'attaches "sentimentales" particulières avec l'Europe des Quinze. Si les Chypriotes peuvent y voir un moyen de rejoindre dans un cadre élargi leurs voisins grecs et si les pays d'Europe centrale y trouvent une façon de sortir définitivement de la guerre froide, les Maltais ont toujours été habitués au statut de "poste avancé" isolé de l'Europe. D'où le développement d'une économie qui va avoir bien du mal à s'habituer aux règles communautaires. Car si à l'Est on se fait souvent les champions du libéralisme économique, des impôts bas et des salaires compétitifs, à Malte on a développé le modèle inverse. Depuis l'indépendance du pays accordée par le Royaume-Uni en 1966, l'Etat a en effet subventionné largement l'économie, notamment les secteurs maritime et touristique. Du coup, le pays, avec un salaire annuel moyen de 950 euros par mois et des taxes élevées sur les bénéfices, fait figure d'exception parmi les Dix. Pire, l'adhésion dans l'Union a demandé un ajustement de l'économie qui s'est fait à marche forcée et qui a demandé aux Maltais des efforts énormes. Les subventions publiques ont dû être progressivement abandonnées, ce qui a provoqué l'effondrement de certains secteurs comme le textile, alors même que le tourisme a pâti de la conjoncture mondiale. En trois ans, le taux de chômage est passé de 4,5% à 8%. Rien d'étonnant alors à ce que Malte ait été le seul pays à ne pas ouvrir son marché du travail aux ressortissants de l'Union pendant sept ans. Là encore, l'exception est de taille lorsque l'on songe aux discours enflammés des dirigeants hongrois, polonais ou tchèques réclamant l'ouverture des marchés de l'emploi dans toute l'Europe.On remarquera pourtant que les Maltais s'intègrent de mieux en mieux à la nouvelle Europe. Ils viennent d'en voir une preuve supplémentaire le 8 avril lorsque Bruxelles les a tancés pour leur déficit budgétaire. Il est vrai que La Valette détient pour le moment le record d'Europe dans cette catégorie (9,7%). La Commission a donc intégré l'archipel dans le club des "mauvais élèves". Malte s'y retrouve en bonne compagnie, aux côtés de l'Italie, de l'Allemagne et de la France...Plus remarquable encore, malgré les années difficiles que l'adhésion a coûté au pays, les Maltais n'ont pas pris le parti de l'anti-européanisme. Bien au contraire. Dans le dernier eurobaromètre, ils sont les seuls à être de plus en plus pro-UE : 55% (+4 points en six mois) d'entre eux pensent que l'adhésion sera "une bonne chose". C'est plus que la moyenne des Dix (53%) et c'est désormais plus que le sentiment des Polonais ou des Tchèques. A la différence des autres, les Maltais ont compris que pour être de bons Européens, il faut savoir souffrir.
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