Pilule amère à la hongroise

Comment régler la crise de l'assurance maladie? La question est posée en France mais aussi, avec une actualité encore plus frappante, en Hongrie. Pour preuve, le 1er avril dernier, le Premier ministre Peter Megyessy a annoncé que le gouvernement avait décidé de réduire autoritairement de 15% le prix de 83% des médicaments en vente dans le pays. Ces prix abaissés devront être maintenus à ce niveau durant six mois. Cette décision spectaculaire s'explique évidemment par les difficultés financières de l'Etat hongrois. Budapest, qui a déjà repoussé la date prévue d'adhésion à la zone euro, cherche par tous les moyens à réduire ses dépenses. Confronté à un déficit budgétaire qui devrait atteindre selon Morgan Stanley 5,9% du PIB, le nouveau ministre des Finances, Tibor Draskovics, a lancé un plan d 'économie de 120 milliards de forints (483 millions d'euros). Et la maîtrise des dépenses de santé représente 20 milliards de forints (80,5 millions d'euros) dans ce plan. C'est dire si le gouvernement ne pouvait qu'être très irrité par les récentes hausses des prix dans le secteur pharmaceutique. En février, sur un an, les prix des médicaments ont bondi de 19,5%, soit bien au-delà du taux d'inflation annuel (7,1%). Du coup, le gouvernement a demandé aux laboratoires, début mars, de rétrocéder une partie de cette hausse des prix (15% du prix de chaque produit). Evidemment, ces derniers ont refusé ce qui ressemblait à une nouvelle taxe. Le plus important groupe pharmaceutique du pays, Gedeon Richter, a estimé que les déficits de l'assurance maladie et du gouvernement ne s'expliquaient pas par la hausse des prix et que les médicaments restaient, malgré tout, bon marché en Hongrie. Reste que ce refus a amené Budapest à prendre la décision de baisser unilatéralement les prix. Cette initiative pose bien sûr de nombreuses questions sur l'économie hongroise, déjà accusée d'être moins compétitive que ses concurrentes d'Europe de l'Est. Une rumeur véhiculée par le Financial Times a ainsi laissé entendre que le groupe britannique Glaxo pourrait quitter le pays. Glaxo a démenti depuis, mais il s'agissait sans doute d'une claire mise en garde. Mais pour le Premier ministre, sa décision est loin d'être opposée à l'économie de marché. Elle entend au contraire préserver cette dernière. "Les industriels doivent comprendre qu'ils tuent leur propre marché en augmentant les prix", a-t-il ainsi affirmé. Le coût sera cependant important pour les laboratoires. Gedeon Richter a ainsi estimé que cette décision devrait lui coûter entre 3 et 3,5 milliards de forints (de 12 à 14 millions d'euros) en 2004, soit près de 10% de son résultat net 2003. Du coup, les groupes pharmaceutiques ont décidé de porter plainte devant la cour constitutionnelle. Ils ont été immédiatement imités par les détaillants en pharmacie. Ce combat juridique risque de peser lourd alors que les négociations entre l'Etat et les partenaires du système de santé se poursuivent. Au-delà des considérations purement économiques et financières, les difficultés de l'assurance maladie posent un problème politique de première importance. Peter Megyessy ne s'y est pas trompé. Lors d'une visite dans une pharmacie de Budapest, le Premier ministre a assuré les quelques retraités présents qu'il s'engageait à ne pas laisser les prix des médicaments grimper sans contrôle. L'enjeu est de taille pour le gouvernement social-démocrate, déjà au plus bas dans les sondages, qui doit réussir le tour de force de réduire son déficit pour que l'entrée dans la zone euro soit à nouveau crédible et empêcher ses adversaires politiques de profiter de la crise du système de santé. Mais la Hongrie ne pourra pas faire l'économie d'une vraie réforme de ce secteur car le pays, plus encore que la France, est confronté à un problème de taille avec une population qui diminue, entre fécondité moribonde et vieillissement massif.
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