Fin d'époque dans les télécoms

Avec neuf mois de retard, au terme d'un très long processus et malgré une alternance politique, la transposition des directives européennes relatives aux communications électroniques et à l'audiovisuel est bientôt achevée. Il ne reste en effet plus aux députés et aux sénateurs qu'à ajuster ensemble le texte qu'ils ont examiné et amendé ces dernières semaines.Mais par delà l'aspect extrêmement technique des travaux parlementaires, on a sans doute perdu de vue la dimension très politique de l'adoption du nouveau cadre réglementaire communautaire qui régit désormais ces secteurs éminemment stratégiques pour notre économie. L'ouverture à la concurrence avait été le premier bouleversement créant de toute pièce un marché là où il y avait essentiellement des monopoles. Les directives parachèvent l'édifice en ôtant à l'Etat et au pouvoir politique ce qui lui restait comme outils officiels de régulation. Désormais dépositaires de ces pouvoirs, il appartiendra très vite à des autorités indépendantes de régulation de jouer le rôle d'arbitres au centre du jeu. Autorité de régulation des télécommunications (ART), Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), Conseil de la concurrence et, au delà, Commission européenne et justice communautaire, auront seuls la lourde tâche de maintenir la concurrence sur des marchés où la tentation monopoliste, ou du moins oligopolistique, est très prononcée.L'Etat, lui, tire en quelque sorte sa révérence sur ce terrain. Pour ne parler que des télécoms, le pouvoir d'homologation des tarifs lui a été retiré. Même s'il s'agit de s'assurer du maintien d'une péréquation tarifaire sur le territoire national. Il ne lui sera plus possible d'arguer de l'urgence de certaines situations pour déroger aux règles de la concurrence ou ne serait-ce qu'intervenir. Et même l'ambition de réduire la fracture numérique entre les territoires a été transférée aux collectivités territoriales.Il reste toutefois à l'Etat, au moins en théorie, la possibilité - et même le devoir - de définir les grands axes de la politique à mener pour ces secteurs. Ce qui n'est pas rien. Pour les défenseurs de l'approche communautaire, ce système est d'ailleurs tout à fait cohérent : au marché concurrentiel de se développer de la manière la plus efficiente, aux régulateurs de contrôler les bonnes pratiques sur ce marché et à l'Etat d'assigner telle ou telle priorité d'intérêt général au secteur concerné (aménagement du territoire, tarification "sociale", etc.). Le problème qui subsiste malgré tout est que l'Etat donne plutôt l'impression de rarement savoir arrêter son désengagement une fois celui-ci entamé. Selon un membre éminent d'une autorité de régulation sectorielle : "On attend parfois à tort des régulateurs qu'ils édictent les règles. Ce n'est pas leur rôle." C'est pourquoi le nouveau chapitre qui s'ouvre peut inquiéter s'il n'implique qu'une régulation à dimension économique, et non plus une régulation politique fixant des objectifs d'intérêt général au marché.
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