Délocalisation, emploi et politique

L'agence de presse britannique y sera en bonne compagnie. La moitié des géants mondiaux entrant dans le classement des Fortune 500 ont des salariés en Inde. D'IBM à General Electric en passant par Microsoft et autre Oracle, les grands noms de la technologie y emploient des milliers de salariés. Les centres d'appels y poussent comme des champignons, tout comme les "back offices" des principaux groupes bancaires ou d'assurance.Ce phénomène mérite amplement que l'on s'y arrête, pour deux raisons. La première est que la délocalisation de l'emploi change de nature. Elle est certes toujours motivée par la même logique : réaliser des économies. Un salarié indien de la high-tech "coûte" au bas mot de 20 à 30.000 euros annuels de moins que son équivalent européen ou américain. Le salaire de départ d'un jeune programmeur est inférieur à 500 dollars par mois. Ce qui change profondément la donne est ainsi que cette rationalité économique ne s'applique plus seulement aux emplois industriels les plus rudimentaires et les plus pénibles qui ont nourri l'industrialisation de la Chine. Les cols blancs peuvent désormais trembler à leur tour. Or, le secteur des services est depuis longtemps le principal, sinon l'unique, créateur d'emplois des économies industrialisées.Il faut donc une réponse politique à ce mouvement, ce qui constitue la seconde raison de s'y intéresser. La campagne présidentielle américaine vient à point nommé en démontrer l'urgence. Depuis quelques jours, elle s'est emballée à la suite d'une déclaration malheureuse du président des conseillers économiques du président Bush (Council of Economic Advisers), Gregory Mankiw. Ce dernier a en effet affirmé que la délocalisation des emplois était un phénomène naturel et positif pour l'économie américaine dans la durée, puisque les emplois perdus étaient progressivement remplacés par d'autres, mieux qualifiés.Défendables sur le plan de la théorie économique, de tels propos sont évidemment désastreux sur le plan politique. John Kerry en tête, les démocrates ne s'y sont pas trompés. Le probable adversaire de George W. Bush le 2 novembre prochain a dénoncé comme des traîtres les PDG qui supprimaient des emplois aux Etats-Unis pour les recréer ailleurs.Ce qui fait bon effet sur les estrades n'est pas pour autant propre à nourrir une politique sensée une fois le pouvoir conquis. Prudent en campagne, Bill Clinton a activement plaidé pour le libre échange une fois devenu président, sans en ignorer les conséquences potentielles sur l'emploi. Mais il a eu la chance de bénéficier d'une période d'expansion sans précédent.Aujourd'hui, les Américains sont invités à se satisfaire d'une réthorique d'arrière garde devant un mouvement que la plupart des politiques avouent en privé considérer comme inévitable. Si tel est le cas, la clé réside dans la gestion d'une fort difficile période de transition, un sujet sur lequel les candidats ne semblent pas avoir beaucoup envie de s'exprimer...L'Europe, où les échéances électorales sont diverses et nombreuses cette année, s'honorerait d'un débat politique plus noble sur un sujet aussi crucial. On peut toujours rêver.
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