Un entretien avec Francis Lacroix, président de la Fédération Française de la Franchise et PDG de Comtesse du Barry

Yves Sassi: Quel a été le rôle de la FFF jusqu'à présent?Francis Lacroix: La Fédération a aidé à assainir le milieu des franchiseurs en éliminant ceux qui ne vivaient que des droits d'entrée et qui disparaissaient une fois leur méfait réalisé. Il y a quelques années, les candidats franchisés étaient souvent trop naïfs. Ils se renseignaient peu ou prou et la Fédération a travaillé avec les instances nationales pour édicter des règles. C'est elle qui est à l'origine du code de déontologie, adopté maintenant dans le monde entier ; de plus, la loi Doubin avec le document d'information pré-contractuel (DIP) qui est un document totalement positif a permis d'éviter des désagréments à bien des candidats. D'autre part, la Fédération a mis en place de nombreux outils destinés aux franchiseurs et aux candidats franchiseurs comme aux franchisés et aux candidats franchisés. Des formations, des bases d'informations, des chiffres tant sur la France que l'étranger. "L'annuaire de la franchise" est également un outil remarquable qui renferme toutes les informations qui peuvent intéresser une personne ignorant tout de l'univers de la franchise. Vous avez pris vos fonctions il y a quelques semaines. Quels seront vos axes de travail?La FFF a une excellente image de rigueur, de compétence, de droiture. Mais cette image, vis à vis de la profession et de l'extérieur, est à mon sens trop juridique. C'est normal, avant de construire un avion, il faut en faire les plans. Mais j'avoue que nous nous devons de mieux communiquer sur les réels avantages de la franchise et apporter une belle touche de glamour à notre Fédération!Les relations que nous entretenons avec les franchiseurs et les franchisés sont trop formelles. Il faut les assouplir. Je recherche essentiellement une communication dynamique, parce que notre Fédération a des bases très saines et réunit de très belles compétences.Dans un premier temps, je souhaite que la Fédération se fasse connaître telle qu'elle est, avec sa diversité et son creuset d'expériences, et non comme on l'imagine : stricte, rigide et quelque peu refermée sur elle-même! A ce jour, je la comparerais à un plat savoureux présenté sous une belle cloche en argent, il est grand temps de soulever cette cloche belle, mais froide, pour qu'apparaisse enfin toute la richesse du plat et faire saliver les convives!Nos administrateurs sont au contact du terrain, ils maîtrisent leur métier, nous nous devons de faire bénéficier les uns et les autres des expériences concrètes de chacun d'entre nous. Quant à l'équipe des permanents, elle réunit de grandes compétences et une entière disponibilité.Quelles sont les méthodes que vous souhaitez mettre en place pour faire connaître la franchise?D'abord, avoir des relations privilégiées avec plusieurs journalistes intéressés par ce secteur. En novembre, nous avons organisé un colloque de franchiseurs et franchisés avec des tables rondes entre franchiseurs et franchisés d'une même enseigne. On s'aperçoit souvent que des franchisés réclament plus de rigueur de la part de leur franchiseur et des autres membres du réseau. Ce sont aussi les meilleurs d'entre eux qui tirent le réseau vers le haut. Il est essentiel de les laisser s'exprimer et de bien les écouter, car avec eux nous avons une véritable source d'informations sur les remontées du terrain.Un bon franchiseur doit considérer chaque franchisé comme un ambassadeur de son réseau qui a un rôle social au sein du groupe. Il faut que nous fassions passer ce message de rigueur et de dialogue, essentiel dans le monde de la franchise. Si vous n'avez pas une base très stricte, de la rigueur, de l'écoute, des structures qui formalisent le dialogue, votre réseau ne peut se développer pleinement. Il faut que les franchiseurs mettent en place des commissions, un conseil consultatif. Si vous ne parlez pas avec vos franchisés, ils créeront eux mêmes des associations pour compenser le manque de dialogue ; et elles seront plus défensives que constructives.Quel bilan faites-vous du système de formation professionnelle?Si on continue, 80% des artisans qui partent à la retraite ne seront pas remplacés dans les années qui viennent. L'éducation nationale et la mentalité de la plupart des parents ont favorisé les études dites classiques en poussant systématiquement nos jeunes vers ce sacro-saint baccalauréat! Comme si les métiers manuels ou de l'artisanat étaient dévalorisants. Il nous faut absolument une revalorisation concrète et une reconnaissance du travail manuel : les études en alternance sont une solution formidable qui assure de plus un travail à la sortie à un étudiant déjà formé, heureux et bien dans son métier. L'obsession du bac traditionnel a muselé des générations de jeunes Français qui auraient pu s'épanouir dans des métiers manuels. En Allemagne, pays dans lequel l'apprentissage est sublimé, les jeunes ont appris dès la 3ème des métiers dans lesquels ils s'épanouissent. Regardez pour la plupart des études supérieures en France, ce sont les maths qui effectuent la sélection (pour des raisons strictement démagogiques aux conséquences désastreuses). Faut-il vraiment être un grand matheux pour être médecin? L'éducation nationale n'a plus su coller à la réalité économique de la France et elle en a oublié une de ses missions essentielles, former des jeunes à une vie professionnelle épanouie.Allez dans certains lycées techniques. Vous avez des machines qui n'existent plus dans l'industrie ; c'est comme si vous visitiez le Musée Grévin et pour terminer le tableau, tout ce qui est service, donc travail manuel, est renchéri d'une TVA à 19,6 %, sauf exception superbe, les travaux d'entretien qui sont à 5,5 % avec un succès qui se dément.Pensez-vous que la franchise puisse être un moteur de développement?Oui, car elle accompagne le créateur d'entreprise : le franchiseur a construit une autoroute, mais si le franchisé n'utilise pas un véhicule en bon état ou sans le plein, il n'ira pas loin. La marque, le savoir-faire, l'expérience du franchiseur représentent 50% du potentiel du franchisé. S'il est bon, il parviendra à 100%. Mais s'il est mauvais, il ne bénéficiera même pas des 50%, parce qu'il les dévalorisera. La franchise n'est pas une assurance-vie, mais bien un excellent outil de démarrage et de développement pour les entrepreneurs indépendants et elle leur permet d'éviter les embûches de la création d'une entreprise indépendante. D'ailleurs, les chiffres sont là pour le démontrer.Dans le commerce et dans les autres secteurs, nous sommes de nos jours dans une concurrence acharnée qui ne laissera aucune chance à ceux qui ne sont pas professionnels. Il n'y a que les bons et les volontaires qui réussiront. Pourquoi le consommateur choisit-il de se rendre dans des magasins sous enseigne? Parce qu'il pense y retrouver les notions d'excellence d'une marque, un spécialiste qui va le conseiller et l'accompagner. Chez un franchisé, le consommateur est reconnu et se plaît dans une ambiance chaleureuse! Le franchisé doit connaître à fond le produit et bien écouter son client, il doit apparaître comme le spécialiste d'une gamme de produits.Lorsqu'un client entre dans une boutique de belle enseigne, il s'attend d'emblée à un indice de satisfaction de 80 sur 100. Mais si le franchisé ne dit pas bonjour en souriant, la note descend à 70 ; ensuite, si le magasin est mal tenu, si les produits sont mal présentés, si le vendeur est désagréable, la note ne cessera de descendre. A l'inverse, si ce client entre dans un supermarché, celle-ci démarre avec une appréciation de 20/100 et chaque petit détail positif tirera cette note vers le haut... Seuls les gens passionnés pourront réussir. Et la franchise permet par son transfert de savoir-faire permanent de mettre en place tous les outils pour créer des entreprises saines, qui recrutent, qui développent. Et à ce titre elle fait partie d'un des axes de Renaud Dutreil qui a bien perçu que ce sont les PME qui créent les emplois. Avec ce ministre, nous avons enfin un homme de terrain et d'écoute qui s'implique à faire sauter tous ces verrous typiquement français qui étouffent l'esprit d'entreprise ; nous l'en remercions et l'encourageons à poursuivre dans cette orientation.
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